Sujet: Avec le temps, tout s'en va - Adrian & Anastasia Mer 25 Mar - 16:49
Enfin, la lueur déclinait. Bientôt, les ténèbres de la nuit règneraient sur la ville, annihilant la lumière du soleil. Anastasia ne pouvait s'empêcher de fixer cette pierre froide et sale devant elle. Sur la stèle était gravé le nom de sa mère. Les yeux baissés, elle était perdue dans ses pensées, qui l'absorbaient toute entière. Il faisait plus froid maintenant, mais elle ne sentait ni ses membres s'engourdir, ni le soir doucement s'avancer. Le temps était comme suspendu. Suspendu éternellement.
A son arrivée à Dödskalle, Anastasia s'était tout de suite sentie mal à l'aise. Faisant fi de ses premières impressions, elle avait rapidement trouvé le seul hôtel de la ville, et avait fait enregistré ses bagages. On lui avait donné une chambre, où elle s'était contentée d'y déposer ses affaires. L'endroit était propre, mais tout semblait appartenir à un ancien temps. Sans s'attarder plus longtemps, elle avait demandé son chemin à la réceptionniste, et s'était rendue au cimetière. Désireuse de renouer avec le passé de sa mère, elle avait entreprit de connaître cette ville, qui lui avait été chère, et le macabre de Dödskalle l'avait frappée. Cet endroit, que sa mère aimait tant, qui était chaleureux, où il faisait bon vivre, ne se retrouvait pas dans l'air ambiant de la ville. Non, vraiment, rien ici n'était agréable à la vue, il n'y avait ni soleil ni caresse de la brise dans les cheveux. Il y avait du plomb dans l'air. Quelle déception. Il n'y avait pas ici ce qu'Ana était venue chercher.
Ne sachant où aller, Ana s'en était retournée au cimetière, sur la tombe de sa mère, comme pour lui demander conseil. Le lieu était désert, et aucun son ne se faisait entendre. L'endroit n'était pas vaste, le lieu se résumait à quelques allées précaires, et à une flore restreinte. Les végétaux eux aussi avaient fuit la ville, avec les habitants. Une légère brume se mêlait à l'air glacé, créant ainsi une ambiance mélancolique et effrayante.
Ana était venue en ville pour se défaire de ses démons, pour aller de l'avant, et vivre, enfin, trouver le bonheur! Mais ses espoirs s'étaient envolés en fumée, dans la blancheur de l'hiver. Il n'y avait pas de joie ici, pas de chaleur réconfortante, pas de bonheur pour elle. Peut-être qu'il n'en existait pas pour elle. Oui, peut-être n'y en avait-il pas, ici bas, dans ce monde, pour une pauvre âme errante. Une larme roula sur les joues de porcelaine de la jolie rousse. Que faire maintenant? Où aller? Et à quoi bon? Il ne lui restait plus personne. Ses parents n'étaient plus, elle ne s'était jamais liée avec quiconque, la maison de son enfance était vendue, et elle ne voyait aucun futur pour elle. Le seul endroit au monde qui promettait le bonheur, le Dödskalle utopique des récits de sa mère, venait de mourir avec le jour. Partir, alors? En finir avec cette existence qui n'était que souffrance, et rejoindre maman, là haut, partie trop tôt? La retrouver, enfin, prendre la décision qu'avait prise son père quelques mois auparavant... Après tout, pourquoi pas, oui, pourquoi attendre de s'éteindre de vieillesse ou de maladie, quand on pouvait librement s'en aller maintenant pour rejoindre les siens? Anastasia ferma lentement les yeux, pour mieux se concentrer. Sa tête commençait à lui faire mal, une sinueuse migraine, comme un serpent, prenait le contrôle de son esprit. Elle entendait quelqu'un l’appeler, au loin. Quelqu'un la demandait. La demandait elle. Cette seule idée l'envahit instantanément d'une douce aura de chaleur. Elle se sentait mieux. Non, elle se sentait bien. Comme c'était étrange, ce temps arrêté. Quelle sensation c'était de se sentir en dehors du temps qui passe!
Sans qu'elle s'en rende compte, le froid s'était saisit d'elle. Ses jambes engourdies avaient cédé sous son poids. La moitié du corps sur la tombe de marbre, elle semblait endormie, paisible, allongée dans la neige. Elle ne voulait pas se réveiller.
Dernière édition par Anastasia E. Kovaliova le Sam 28 Mar - 22:04, édité 4 fois
Adrian Lindberg
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Sujet: Re: Avec le temps, tout s'en va - Adrian & Anastasia Mer 25 Mar - 22:15
Avec le temps, tout s'en va
The morning i will wake up in the shivering cold. Δ Lullaby
J'ai toujours détesté venir au cimetière. Déjà petit je râlais quand mes parents m'y trainaient tout les dimanches, ne cessant de penser que c'était plutôt idiot de venir déposer des fleurs pour des gens qui ne pouvaient pas en profiter. Ils ne peuvent pas les voir et encore moins nous remercier pour les fleurs... Alors pourquoi venir en déposer ? Simplement pour se donner bonne conscience ? Je dois avouer qu'à l'époque, ça me faisait surtout ronchonner, déjà parce que ça m'arrachait à mes activités fort passionnante de petit garçon de huit ans et aussi parce que je trouvais cet endroit bien trop glauque pour qu'on ait envie d'y passer chaque dimanche de l'année, peu importe le temps. Et tout ça en plus pour déposer quelques fleurs qui ne supporteront très certainement pas le climat de ce pays. Ainsi pour tromper ma frustration et surtout pour oublier que cet endroit me filait des sueurs froides, j'abandonnais rapidement mes parents pour gambader entre les stèles, essayant simplement d'oublier que je courais au milieu des restes d'autres être humains.
Le jour décline lentement et le ciel morose se laisse obscurcir tandis que la nuit reprend doucement ses droits. Je pousse un soupir alors que face à la stèle de marbre je cherche mon briquet. Mes doigts se referment dessus alors que j'en viens finalement à allumer la cigarette qui attendait bien sagement au coin de mes lèvres. J'ai un demi-sourire alors que je tire une première bouffée dessus, sentant le goût du tabac mentholé imprégner ma langue. Des cigarettes de gamine. C'est ce que j'avais fait gentiment remarquer à mon ex-femme le jour où elle m'avait ordonné de changer de marque de cigarettes, soit-disant parce que celles que je fumais avant lui donnait la nausée. M'est avis qu'elle aimait simplement l'odeur de la menthe sur ma peau. Mais finalement, j'avais finis par céder... Sans compter que j'ai finis par en apprécier le goût. Ça explique peut-être pourquoi je continue d'en fumer alors que cela fait plus d'un an que nous sommes séparés. C'est toujours mieux de se dire ça, de se dire que c'est une simple habitude qui ne veut pas nous lâcher plutôt qu'une étrange façon de garder un souvenir de son ex-femme. C'est moins étrange, moins dérangeant. Le vent fait doucement frissonner les pétales des chrysanthèmes dévorés par le gel, m'arrachant pour ma part un léger frémissement. Une autre volute s'échappe d'entre mes lèvres alors que je glisse mes mains dans les poches de mon épais manteau. J'adresse un dernier regard à la tombe de mes grands-parents avant de simplement tourner les talons, sans un mot ou une prière. De toute façon à quoi bon ? Ce n'est pas comme si ils pouvaient m'entendre... Et encore moins me répondre. Alors quel intérêt ? A part celui peut-être de perdre son temps avec des personnes qui ont été rayés depuis bien longtemps du Club des Vivants. Une perte de temps. C'est ce que je me dis à chaque fois que je viens ici. Les morts ne parlent pas et ils s'en foutent des vivants. Tout comme les vivants n'ont que peu de considération pour les morts. La seule raison pour laquelle nous passons les voir, c'est simplement pour se rappeler qu'on jour, nous aussi on reposera sous cette terre glacée.
La neige craque doucement sous mes pas alors que je remonte en silence l'allée principale, les mains dans mes poches alors que les volutes de ma cigarette se meurent doucement dans l'air glacé de cette fin de journée. Je commence à me dire que je n'aurais peut-être pas du venir aujourd'hui. J'aurais peut-être pu me contenter de simplement rentrer chez moi, à rester dans mon appartement à simplement fumer en corrigeant quelques copies ou simplement à tuer le temps... Et pourtant voilà que je suis là à... Attends un peu. Je ralentis le pas en voyant une silhouette, à moitié allongé sur une des tombes. Euh. Je sais que ça ne me regarde pas mais... Je m'approche doucement, quelque peu inquiet de voir que la silhouette ne semble toujours pas bouger... Oh non... Me dîtes pas que quelqu'un vient de claquer ici... Ce serait d'une ironie... Je déloge la cigarette de mes lèvres, la glissant entre mes doigts tandis que je considère toujours la demoiselle qui semble s'être assoupie. Je hausse un sourcil. Bon au moins, elle est toujours parmi nous... C'est déjà ça. Je me racle la gorge alors que je m'accroupis non loin d'elle, tentant d'attirer son attention...
« Miss ? »
Rien. Timidement j'avance une main vers elle, secouant doucement son épaule.
« Je peux comprendre que c'est follement romantique de faire la Belle aux Bois dormant sur une tombe... Mais en plein hiver ce n'est pas franchement une bonne idée... »
Ma voix est presque douce, comme si j'avais peur de la réveiller, ou que justement j'étais en train de réveiller une enfant qui dort... C'est un peu le ton que je pouvais user avec Liv quand je la voyais doucement piquer du nez le soir... Celui d'un père qui veille sur sa fille. Le genre de ton qui se veut rassurant.
Sujet: Re: Avec le temps, tout s'en va - Adrian & Anastasia Sam 28 Mar - 22:00
Une voix au loin. Des bribes d'images qui défilent. Une porte qui s'ouvre et qui se ferme, une silhouette de dos, qui ne se retournera jamais plus. Tout perdre, l'espoir avec. Ressasser, encore et toujours, stagner, sans pouvoir avancer. L'âme en peine, -c'est l'accent funèbre du "jamais plus". Quelque chose, pourtant, l'appelait. Anastasia distinguait plus nettement cette voix. Qu'elle était douce et rassurante! C'était une caresse délicate, une onde gracile sur l'étendue infinie des eaux. Des pas, lents: on se rapprochait. Et la voix se fit toucher, lorsqu'Ana sentit une chaleur pénétrante sur son épaule. Aucun autre son ne lui parvenait, il n'y avait qu'elle, et cette voix. Et son corps, qu'elle ne sentait plus, et ce temps suspendu... Peut-être, alors...? Se pouvait-il qu'elle se soit envolée là-haut, rejoindre ceux qui l'attendaient? Un sourire naquit sur le visage d'Ana, qui irradiait d'une joie paisible et tranquille. La jeune fille, impatiente de découvrir ce lieu nouveau, ouvrit doucement les yeux.
Le temps reprit son cours, et la dure réalité la frappa de plein fouet: son corps était transit par le froid, jusqu'à ses cils, sur lesquels s'étaient formés de fins cristaux de glace. Devant elle, au lieu des visages aimés, celui d'un inconnu. Une amère déception déferla en elle, avec les souvenirs et les souffrances. Sa mémoire se reconnecta à son esprit: elle était à Dödskalle, et plus précisément dans son cimetière. Péniblement, Anastasia essaya de se relever, mais ses articulations, glacées, étaient douloureuses. Ses espoirs s'évanouissaient à la mesure de ses battements de cils.
« Je peux comprendre que c'est follement romantique de faire la Belle aux Bois dormant sur une tombe... Mais en plein hiver ce n'est pas franchement une bonne idée... »
Anastasia tourna lentement la tête vers l'homme qui se tenait là, et le considéra un instant: il était assez grand, brun, et portait un costume. Il avait l'air soigné. Ses traits étaient harmonieux, doux, les sourcils froncés à part. Il affichait une moue soucieuse, quelque chose semblait le préoccuper. Il avait un je-ne-sais-quoi de mélancolique. Et puis, cette voix... C'était lui. C'était lui qui l'avait appelée. Il n'y avait jamais eu que lui. L'inconnu était accroupi devant elle, une main sur son épaule. Sur son épaule, à elle. Cette proximité inattendue, ce contact, la fit rougir. Vraiment, elle n'en avait pas l'habitude. Ana était hors du temps, et hors du monde. Elle ne se mêlait pas aux gens, jamais. Tous les êtres qui lui étaient chers n'étaient plus, si bien qu'elle avait peur d'aimer à nouveau. C'était comme si une puissance supérieure lui ôtait systématiquement toutes les personnes qui comptaient à ses yeux. Intérieurement, Anastasia se sentait responsable de la perte de ses parents. C'était son fardeau.
Mais l'inconnu attendait, patiemment, les yeux vert-de-gris plongés dans ceux d'Ana. Intimidée et gênée, elle baissa la tête.
« Et c'est idiot quand il n'y a pas de Prince Charmant. Mais êtes-vous sûr que la Belle aux Bois Dormants avait envie d'être réveillée? »
A demi-mot, elle ajouta, comme pour elle-même: « Elle devait être si bien, endormie pour toujours... »
En réalité, Anastasia éprouvait un très fort sentiment de honte. Elle était là, étendue dans la neige, gelée, dans l'impossibilité d'effectuer le moindre mouvement, dans un cimetière, auprès d'une tombe. Pourquoi fallait-il que quelqu'un lui adresse la parole, en cet instant précis? Peut-être qu'on l'avait suffisamment préservée d'autrui. Avec la disparition de ses parents, on l'avait laissée se terrer dans un coin, à parler le moins possible. Oui, on lui avait permis de survivre à sa douleur écartée du reste du monde. Mais ici, personne ne savait qui elle était, et elle ne bénéficiait plus de ce "traitement de faveur". Mais elle ne méritait pas non plus que l'on prenne soin d'elle, elle qui s'était si longuement acharnée à empêcher le moindre contact avec qui que ce soit. Alors, que faisait-là cet homme, à l'air si prévenant? Il devait avoir pitié, sans doutes, quoi d'autre sinon? Il se sentait probablement obligé de venir en aide à une pauvre illuminée qui s'était effondrée dans la neige. Pouvait-on décemment laisser quelqu'un mourir sans rien faire? Que c'était pitoyable. Elle était, une fois de plus, une gêne. Il fallait libérer cet homme de cette assistance forcée.
« Tout va bien, vous savez. Ne vous préoccupez pas de moi, vraiment... Ce n'est pas la peine. »
Ana se mordit vigoureusement la lèvre inférieure. Si malgré tout il ne partait pas... Que faire? Décidément, quel embarras cette vie-là!
Adrian Lindberg
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Sujet: Re: Avec le temps, tout s'en va - Adrian & Anastasia Lun 30 Mar - 15:46
Avec le temps, tout s'en va
The morning i will wake up in the shivering cold. Δ Lullaby
Le silence est tel que j'entends ma cigarette se consumer au bout de mes doigts dans un petit crépitement joyeux, comme si le tabac et le feu chantaient pour tenter de remplir cet enfer blanc et silencieux qu'est le cimetière. C'est peut-être aussi pour ça que je n'ai jamais aimé venir ici. À cause de ce silence étouffant qui a l'étrange capacité de vous saisir à la gorge pour vous faire chuchoter avec une certaine crainte, comme si vous aviez peur de déranger le sommeil éternel de ces ancêtres qui gentiment se laissent dévorer par le temps et les vers. Petit je courais entre les tombes, préférant oublier que sous les lourdes stèles de marbre il n'y avait que de la terre gelée et non un être humain qui reposait là-dessous. Mais aujourd'hui, c'est tout ce que je vois. Pire, ça m'obsède presque. Parce que je sais qu'un jour, comme tout le monde, j'aurais le déplaisir de finir sous l'une d'entre elle, et plus le temps passe, plus j'ai peur que ce jour arrive bien trop vite. Alors c'est peut-être pour cela que je n'ai que très peu de considérations pour les défunts. Parce qu'il est plus simple de nier sa propre mortalité et de se penser immortel plutôt que d'affronter la vérité. L'être humain aime se voiler la face. C'est tellement plus simple de fermer les yeux et de se boucher les oreilles, c'est plus simple de sourire plutôt que d'être vraiment heureux. Plus simple de s'endormir sur une tombe et de laisser le froid nous emporter.
Lentement elle bat des cils, faisant craquer le gel qui s'y était installé, recouvrant de ce fait ses joues mordues par le froid par de petits éclats de givre qui scintillent sur sa peau. Je pousse un léger soupir de soulagement en voyant son regard croiser enfin le mien. "Bienvenue chez les vivants", c'est ce que je pourrais lui dire, mais je me contente de la fixer avec attention, la surveillant comme du lait sur le feu, guettant le moindre signe qui pourrait indiquer une quelconque faiblesse de sa part. À nouveau le silence nous enveloppe et seule ma cigarette ose crépiter. Je ne sais pas ce que j'attends. Je pourrais lui demander si elle va bien, hausser le ton et lui dire qu'il faut être sacrément dérangé pour venir faire une sieste par ici, mais je préfère garder les lèvres closes, me contentant de la regarder, à la manière d'un père qui attend patiemment que son enfant se justifie à lui. Je crois la voir rougir avant qu'elle ne baisse la tête, comme si toute la culpabilité du monde venait de lui tomber dessus. Je retire lentement ma main de son épaule alors qu'elle continue de fixer avec un certain intérêt le marbre sous elle. J'ai tout mon temps tu sais… Et eux-aussi. Puis finalement, elle se décide à entrouvrir les lèvres, à me laisser entendre de sa douce voix. J'arque un sourcil en l'entendant, ne pouvait réprimer un sourire. Je porte la cigarette à mes lèvres et tire une longue bouffée dessus avant de reprendre d'une voix toujours aussi douce.
"J'en suis sûr, car personne ne veut être laissé pour compte… Elle devait justement rêver que son prince vienne la réveiller."
Qui ne rêve pas d'être sauvé ? Les menteurs vous diront que non, ils peuvent se débrouiller seuls. La vérité est autre. Tout le monde veut savoir qu'il y aura toujours quelqu'un pour les rattraper au cas où. Que si ils se sentent glisser, il y aura des mains pour les rattraper. Personne ne veut être seul et plus le temps passe, plus cette angoisse de finir isolé du reste du monde vous prend les tripes. Et malheureusement, on finit tous par mourir seul… Simplement parce que les êtres aimés ne veulent pas devoir affronter notre agonie, eux qui devront déjà subir notre absence… Je tire à nouveau sur ma cigarette, laissant cette odeur de tabac mentholée emplir l'air glacé de cette fin de journée. Mon regard continue de chercher le sien alors que j'entends presque les rouages tourner et grincer dans son esprit, comme si elle ressassait encore et encore quelque chose… Et puis à nouveau elle s'adresse à moi, cherchant cette fois-ci à se débarrasser de ma personne. Un sourire se dessine cette fois-ci sur mes lèvres alors que je plonge mon regard dans le sien.
"Et pourquoi ça n'en vaudrait pas la peine ? Parce que vous ne méritez pas que les autres s'occupent ou se préoccupent de vous ? C'est une drôle de façon de concevoir votre rapport aux autres."
J'écrase mon mégot par terre avant de lever à nouveau les yeux vers elle. N'importe qui trouverait son comportement étrange. Tout va bien ? J'ai du mal à penser que c'est le cas. Le froid mord lentement mes doigts tandis qu'un vent léger vient soulever la neige autour de nous, faisant voleter ses cheveux tachetés de quelques flocons. La brise siffle doucement à mes oreilles, me laissant l'étrange impression que nous ne devrions pas rester ici plus longtemps que nécessaire. Les vivants n'ont pas vocation à rester pour troubler le silence de ce royaume. Je la quitte du regard, regardant par-dessus mon épaule, comme pour me rassurer… Pour vérifier que nous sommes bien seuls… Mais il n'y a personne. Juste elle et moi. Je pousse un soupir. Nous devrions partir, quitter cet endroit et retourner dans le monde des vivants. Le temps n'est pas encore venu pour nous de rester ici. La voyant transit par le froid, je défais l'écharpe autour de mon cou, la passant autour de sa nuque sans vraiment lui demander son avis. Je noue avec attention le tissu rouge autour de son cou alors que je reprends d'un ton toujours aussi calme.
"Même si vous ne voulez pas que je vous aide, laissez-moi au moins vous accompagner dans un endroit chaud… Simplement pour ma tranquillité d'esprit… Une fois que je vous verrais au chaud avec une tasse de café entre les mains, je vous laisserais si vous le souhaitez… Mais en attendant, venez, marchons un peu."
Je termine le noeud autour de son cou avant de l'aider à se relever, la portant presque. Mais à part ça… Tout va bien, hein...
Sujet: Re: Avec le temps, tout s'en va - Adrian & Anastasia Jeu 2 Avr - 18:05
Quel étrange individu que cet homme-là. Anastasia eût dit qu'à travers ses yeux, il pouvait lire dans son âme. Inutile d'exprimer ses émotions profondes, ses peines ou ses souffrances, il était comme capable de la comprendre et de l'appréhender d'un seul regard. Quelques flocons de neige tombaient encore, la lumière du ciel toujours déclinait, sa cigarette se consumait, mais Ana ne voyait que lui. Le temps s'était arrêté. Et c'était lui qui l'avait réveillée. Il la regarda, et n'esquissa aucun mouvement de recul, il restait là. Patient, il attendait: il n'était pas de ceux dont on pouvait se défaire facilement. Il était attentif, et loin d'être dupe - cela plaisait sincèrement à Ana, qui réprima un sourire. Que diable avait-elle en tête? Sa douce léthargie prit fin, et le temps reprit son cours.
« Et pourquoi ça n'en vaudrait pas la peine ? Parce que vous ne méritez pas que les autres s'occupent ou se préoccupent de vous ? C'est une drôle de façon de concevoir votre rapport aux autres. »
Parce qu'il n'y a rien à sauver. C'est ce qu'Anastasia aurait voulu lui dire. Rien d'autre ne lui venait à l'esprit. Infiniment, elle vivait dans le passé, dans cette boucle infernale, dans Thanatos tout entier, sa pulsion de mort. A quoi cela pourrait-il bien servir de s'occuper d'elle? Sa compagnie n'était pas agréable. Elle n'avait pas de belle histoire à raconter, rien de positif et de joyeux à partager. Pour être restée toujours seule, elle ne savait rien des autres, des codes sociaux et même du monde tout entier. Elle était restée enfermée dans sa bulle, prisonnière de son passé, définitivement endeuillée. On avait envie de la secouer. Combien de fois lui avait-on dit que le soleil brillait dehors, que la vie était belle, que lorsque l'on lève la tête, on se perd dans le bleu du ciel et dans la quiétude des chants des oiseaux! Mais la réalité était là: rien ne lui inspirait plus l'envie de vivre, rien ne retenait plus son attention que le vide incommensurable creusé par la perte de ses parents; non, Éros l'avait quittée. Tout n'était pas une question de mérite, mais de finalité, et, de ce point de vue, les choses étaient claires: s'occuper d'Ana ne menait à rien, parce que son existence n'était que déplaisir. Il aurait seulement fallu qu'elle trouve sinon une raison, des bonheurs de vivre, mais on en était encore loin - très certainement pour ne pas y avoir encore goûté. Mais son tourbillon d'émotions était trop flou et intime pour être dit avec des mots, si bien qu'elle se contenta d'un à-peu-près sommes toutes satisfaisant:
« Ça n'en vaut pas la peine parce que vous ne pouvez rien faire pour moi, et que vous allez perdre votre temps. Je ne conçois pas vraiment un quelconque rapport avec qui que ce soit, alors... »
Anastasia ne termina pas sa phrase: cet homme était gentil, il ne méritait pas de tels propos, même si sa voix était toujours tendre et délicate. Elle préféra nuancer:
« Vous êtes aimable, et je ne suis pas de bonne compagnie. Voilà la véritable raison. »
Il semblait dubitatif. Lentement, il éteignit sa cigarette, et plongea à nouveau ses yeux dans ceux de la jeune fille. Vraiment, il devait tâcher de perdre cette habitude intrusive, qui la confondait dans une gêne certaine. Une fois de plus, elle ne pu soutenir son regard, et fixa la neige à ses côtés. Il l'observait encore, et semblait réfléchir intensément. Il sembla à Ana être une sorte de code informatique qu'il tentait de déchiffrer, voir, de cracker -elle aurait pu s'identifier à un coffre à bijoux, ce qui aurait été beaucoup plus poétique, mais elle s'estima de moindre valeur. Le froid s'installa, lui inspirant un frisson. L'homme tourna la tête, cherchant quelque chose dans le lointain, ce qui fit prendre conscience à Ana qu'ils étaient seuls, considération qui la fit rougir d'embarras. Définitivement, cette situation ne la mettait pas à l'aise. Lorsque l'homme se retourna à nouveau; il affichait un air résolu. Rapidement et le plus naturellement du monde, il défit l'écharpe qui était nouée à son cou, et d'un mouvement ample et bref, la passa autour de la nuque de la jeune fille. Surprise, Ana voulu reculer, le repousser, peut-être, levant les mains, paumes grandes ouvertes comme pour faire barrière, mais la tendre âme n'en eut que faire, et noua soigneusement le tissu épais. Ce geste, prévenant, confondit Anastasia, qui ne pouvait s'empêcher, intimement, d'en apprécier la saveur. Il accompagna ses faits de quelques mots; il s'était rapproché:
« Même si vous ne voulez pas que je vous aide, laissez-moi au moins vous accompagner dans un endroit chaud… Simplement pour ma tranquillité d'esprit… Une fois que je vous verrais au chaud avec une tasse de café entre les mains, je vous laisserais si vous le souhaitez… Mais en attendant, venez, marchons un peu. »
Et calmement, il se redressa, et tendit une main afin d'aider Ana à se relever. Elle leva les yeux, et ne perçu aucun agacement sur son visage. Il ne sembla pas ennuyé non plus, seulement préoccupé, et déterminé, très sûr de lui. Une sensation de sécurité l'envahit alors, et acheva de la décider. Lentement, elle effectua de petits mouvements de la main pour chasser l'ankylose, tendit le bras vers lui, hésita un peu, et saisit son poignet. Si sa main était glacée par la neige, son bras à lui diffusait une douce chaleur... Ana se laissa envahir par cette agréable sensation. Elle essaya de se lever, s'aidant de celui qui n'était plus un inconnu, luttant contre la douleur de ses membres engourdis, tituba un peu, et reprit un semblant d'équilibre: Il avait appuyé son bras libre sur le dos d'Ana, pour lui éviter de retomber aussitôt sur le sol. Le temps n'était plus. Ses vêtements étaient maculés de neige: des cristaux de glace ornaient désormais sa robe violine, ses collants en laine ivoire étaient humides, et un petit monticule de poudreuse s'était formé sur ses bottines. Pourtant, elle ne sentait pas le froid. Le soleil poursuivait sa chute avec langueur, et la brise fraîche se mourrait dans la cime des cyprès gelés. Il n'y avait pas âme qui vive dans ce cimetière glacial. Non, le temps n'était plus.
Anastasia brisa le silence. Elle n'était plus aussi mal à l'aise.
« Je m'appelle Anastasia. Je viens de Russie pour... J'ai enregistré mes affaires à l'hôtel. Je n'ai que cet endroit où aller. Et vous êtes...? »
Au fond, son nom lui importait peu. Son identité aussi. Elle désirait simplement savoir qui il était, lui qui semblait la comprendre, ou au moins, qui ne s'était pas en allé. Lui qui était resté, et qui, sans le savoir peut-être, faisait une différence pour elle. Elle aurait voulu l'appréhender tout entier, le connaître, et le faire entrer dans son univers: vide, Il aurait créé un champ nouveau.
Sans se presser, Il la conduisit vers la sortie du cimetière. Il faisait nuit maintenant, mais Anastasia n'avait aucune hâte. Pour une fois, le temps s'offrait à elle, avec ses innombrables possibilités.
Adrian Lindberg
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Sujet: Re: Avec le temps, tout s'en va - Adrian & Anastasia Dim 19 Avr - 21:41
Avec le temps, tout s'en va
The morning i will wake up in the shivering cold. Δ Lullaby
L'inconnu du cimetière. C'est la première réponse qui traverse mon esprit alors que la jeune femme encore engourdis par le froid mordant de la neige me demande qui je suis alors qu'elle s'accroche à moi, comme si subitement, j'étais son seul point fixe dans l'univers. Comme si au milieu de ces stèles qui regardent le temps filer, il n'y avait que nous deux. Mais après tout, c'est vrai… Au milieu des morts nous sommes les seuls à remuer terre et ciel pour survivre ne serait-ce qu'un jour de plus, car, comme eux l'ont un jour craint, nous ne cessons de regarder la mort droit dans les yeux en lui disant que demain serait peut-être un meilleur jour. C'est ainsi que chaque être vivant avance, d'un pas prudent, espérant que chaque jour ne soit pas le dernier. Même si un jour il faudra s'en aller. Tout s'en va… Ce n'est qu'une question de temps. Mais là en cet instant précis, la question ne se pose pas vraiment, non tout ce qui compte c'est que nous fuyons à notre tour cet endroit que je peine à supporter. Et pourtant la réponse traverse avec douceur mes lèvres.
"Vous pouvez m'appeler Adrian…"
La tenant toujours contre moi, l'aidant plus à marcher qu'autre chose, je laisse volontairement un silence flotter entre nous. Pourquoi ? Je ne sais pas. Je ne saurais pas dire. Que dire de plus ? Enchanté ? Banale formule de politesse qui ne sert qu'à brasser de l'air pour rien. Surtout qu'un peu plus tôt elle m'a fait comprendre qu'aussi aimable suis-je, elle pense ne pas être de bonne compagnie, et le fait qu'elle m'indique qu'elle a fait enregistrer ses affaires à l'hôtel de la ville. Jolie façon de me faire comprendre que je suis de trop. Ou alors qu'elle est effectivement de "mauvaise compagnie", chose que j'ai de plus en plus de mal à croire. Tromper les autres avec la solitude n'est pas la meilleure des idées… Même si à certains moment on se dit que cela vaudrait peut-être mieux, parce que les autres ne nous apportent rien au final, parce qu'au fond, on se dit qu'on finira forcément seul… Alors pourquoi s'encombrer de personnes qu'on va avoir du mal à quitter ? Mais est-ce réellement une façon que vivre, que de passer son temps à repousser les autres et en même temps d'avoir peur de mourir seul ? Drôle de façon de vouloir exister, non ? Et pourtant elle continue de me dire qu'elle n'est pas de bonne compagnie, qu'elle n'en vaut pas la peine… Étrangement elle me fait penser à certains étudiants qui assistaient à mes cours, ceux qui ne voulait pas qu'on s'occupe d'eux, mais qui souhaitaient tout de même qu'on s'inquiète pour eux. Au fond, ils veulent seulement qu'on s'occupe d'eux, car personne n'aime être délaissé. Personne. Pas même la jeune russe qui essaye de me faire comprendre qu'elle ne mérite pas toute mon attention.
"L'hôtel, hein ? Eh bien, je vais faire en sorte de vous y ramener… Je m'en voudrais si il vous arrivait quelque chose. Dödskalle n'est pas une ville tendre avec les étrangers… Enfin… Ni même avec ceux-qui y sont nés."
J'ajoute cela plus pour moi que pour elle. Les derniers mots se meurent doucement dans l'air frais de la nuit. Cette ville n'est pas un endroit où les étrangers devraient atterrir. Non… Cette ville est pire qu'un immense marais dans lequel on s'embourbe. Naissez-ici et vous ne pourrez pas lui échapper plus de quelques années, échouez-ici et vous ne pourrez jamais la quitter. Dödskalle est comme une vieille mère possessive et bien trop protectrice : elle garde ses enfants jusqu'à les étouffer et préfère tuer ses amants plutôt que des les voir la quitter. Un enfer glacé qu'on ne peut quitter. Et que la jeune russe ne pourra jamais quitter à son tour. Mon regard se fait presque peiné alors que je le pose à nouveau sur sa personne. Pauvre petite. Te voilà coincé ici, désormais, avec nous, pauvres âmes tourmentées qui n'attendons que de voir cette mort rêvée depuis nos sept ans, se réaliser. Quelle étrange façon de mener son existence, pas vrai ? Qui a dit qu'être vivant était une chose aisée ? Personne. Regardez, même les morts sont contents de ne plus l'être. Sinon, il y a bien longtemps qu'ils se seraient tous levés pour nous rejoindre.
Nous passons enfin les portes du cimetière, et alors que nous quittons le royaume des morts, je ne peux m'empêcher de regarder par-dessus mon épaule une fois de plus. Comme si j'avais peur d'y voir la silhouette de ce cher fossoyeur et de sa pelle, peur de le voir remuer de la terre gelée pour y enterrer je-ne-sais-trop-qui. Au fond, je n'ai pas envie de savoir, ni de voir. Comme tout le monde je détourne rapidement le regard, de peur de voir quoi que ce soit. Tout ceci n'est qu'un simple regard, un de ceux qui ne dure que le temps d'un battement de cils, un battement de coeur tout au plus. Bien vite mon attention revient sur cette jeune femme répondant au doux nom d'Anastasia. Nos pas crissent gracieusement dans la neige encore tendre alors que dans cette nuit si silencieuse nous nous éloignons de cet endroit macabre au possible. Voyant qu'elle est plus stable sur ses pieds, je relâche quelque peu mon étreinte, lui laissant cet espace vital que ses yeux ne cessaient de me réclamer en silence. Je croise rapidement son regard du mien, avant de fixer quelques lumières au loin, qui d'ici me font penser à de douces lucioles que l'on part chasser en été quand on est gosse. Le temps semble s'étirer autour de nous, nous offrant généreusement quelques instants d'un rare confort. Celui d'un silence partagé et presque agréable.
"Pardonnez l'impolitesse qui va suivre, Anastasia… Mais que fait une demoiselle telle que vous si loin de sa chère Russie natale ? Vous aviez des morts à pleurer ici, ou vous êtes vous égarez par malheur dans cet enfer sans nom qu'est Dödskalle ?"
Une voiture passe à nos côtés, ne prenant pas le temps de s'arrêter ou quoi, filant au loin… Et là alors qu'elle prend un virage au loin, tout ce qu'en perçoit encore ne sont que deux traînées rouge qui se perdent au loin, ressemblant étrangement à deux papillons qui chassent la lumière éphémère inexistante. Après tout, ne sommes-nous pas tous des papillons cherchant une quelconque lumière contre laquelle nous brûler les ailes ?