Yngve était né ici, il était habitué au froid, il était habitué au vent et il était habitué à cette ville. Pourtant, cette année, les choses semblaient plus rudes. Il faisait plus froid que d'habitude, c'était tout ce dont on parlait et tout ce qui soulevait les coeurs et même le précieux vent qui râpait sa peau la nuit semblait lui conjurer de s'en aller et de ne pas rester entre ces quatre murs. Mais partir, pour aller où? Fuir… fuir dans les bras de qui? Les seuls bras qu'il osait appeler sa maison étaient absents et il n'était même pas certain de vouloir les retrouver. Pas de chauffage pour le fossoyeur, non, la maison des Angsar était presque aussi froide que le dehors et les volets restaient fermés et les rayons de soleil ne perçaient jamais la pénombre de ce lieu quasi sacré. Yngve avait passé les fêtes de fin d'année juste là. Recroquevillé sur le sol, complètement nu, à fixer la cheminée. Il était trop fatigué et trop énervé pour se risquer à faire du feu. Il se concentrait sur sa respiration et il maudissait silencieusement le reste du monde mais surtout son frère qui avait oser le laisser ainsi. Il n'avait rien mangé depuis des jours et c'était sa colère, puissant feu noir, qui le nourrissait et qui le réchauffait. Neuf ans. Voilà. Un an de plus et une année de plus passée sans Kjell. Que faisait-il bordel… Yngve espérait qu'il était mort, qu'il pourrissait quelque part et que les vers lui sortaient du nez. Ou alors s'il était en vie, il espérait qu'il était encore avec les pires spécimen de l'univers et qu'il y en avait bien un ou deux pour lui coller une droite. Bien placée, aussi brutale qu'un baiser, comme l'amour d'Yngve.
Non, plus jamais, plus jamais il n'aurait ce corps, plus jamais il ne le verrait ainsi et il ne ferait plus jamais de marques sur le corps de son frère. Plus jamais. Yngve se l'était juré, il avait maudit tout le monde et surtout sa propre faiblesse avant de se lever et de continuer sa vie. Il y avait toujours des corps à enterrer et de la terre froide à écraser. L'hiver qui s'étendait rendrait sa tâche plus difficile et il devait donner des coups brutaux, formidables, dans la terre pour qu'elle cède enfin et le laisse donc creuser ses trous. Il n'arrêterait pas, la Mort ne prenait pas de vacances et lui non plus. Se reposer de quoi de toute façon? Tout le hantait, tout le rongeait de l'intérieur et il ne pensait plus à rien qu'à toute cette noirceur qui allait l'avaler. Mais il ne pouvait pas, il ne pouvait pas mourir sans Kjell et plus rien n'avait alors de sens. Dieu parmi les hommes, Yngve était ennuyé, dépité et dégoûté de sa propre existence. Que restait-il de lui dans cette ville? Pas grand chose, il songeait sans doute à se reconstruire. En économisant, peut être qu'il pourrait s'acheter une voiture et passer son permis et rouler loin d'ici quelques heures. Trouver un autre job à Överleva et une femme à contenter et… Yngve le voulait toujours cet enfant, la chair de sa chair, il voulait continuer les choses, passer le flambeau, avoir un enfant à lui qu'il pourrait serrer contre lui et aimer et chérir. Yngve n'était pas cruel, il était juste fait ainsi et il manquait cruellement d'amour. Certes, il était brutal mais c'était tout ce qu'il connaissait, cela avait fonctionné dans le passé alors… alors… alors peut être que lui aussi pouvait avoir un futur.
Le fossoyeur songeait à tout ceci en creusant la tombe du jour, quelques flocons de neige se déposant sur son bonnet. La voisine le lui avait tricoté, ainsi que le pull qu'il portait, à croire qu'elle avait peur de le voir s'éteindre. Les gants avaient appartenu à son père et ils l'aidaient à asseoir sa prise sur la pelle. Qui était à lui. Yngve avait les pieds nus et rougi et endoloris par le froid mais il s'en foutait, c'était le seul moyen qu'il avait trouvé pour se rappeler qu'il était en vie. Il n'avait qu'une seule tombe à creuser et cela lui pris toute la journée. La neige avait cessé de tomber lorsqu'il eut enfin fini et il se tourna vers le sac qui était sur le sol. Un corps y reposait, petit et ridicule. La mort avait frappé il y a quelques jours de cela. Le gamin avait quoi… dix ans? Il s'était aventuré au dehors et il avait trébuché et… Yngve n'avait pas vu une trace de sang mais il avait vu la mine de ceux qui étaient responsables de lui, dépité au possible. Pas ses parents, non, ils étaient mort depuis longtemps, il allait les rejoindre. Yngve soupira et posa le corps dans la tombe fraichement creusé. Il fixa pendant un instant ces yeux vides qui le fixaient avant de lui fermer les paupières. Tout ceci ne l'affectait plus vraiment, peu importait l'âge, il n'était plus rien, il était mort et il allait faire parti de la ville à tout jamais. Yngve soupira avant de s'atteler à refermer la tombe. Non.Tout ceci ne l'affectait plus. Il songeait à ce gamin sans vie, à son futur enfant quelque part tandis qu'il faisait ce qu'il faisait de mieux. Non, son enfant grandirait ici, mais il serait protégé de tout ça, Yngve ferait en sorte que ce soit le cas.
Il poussa un dernier soupir avant de saisir sa pelle et de s'éloigner des rues du cimetière. Comme tous les soirs, il rentrait chez lui, guidé par la neige qu'il avait semé le matin même. Yngve poussa un soupir, se surprenant à vouloir faire autre chose ce soir là. Il marchait complètement au hasard dans les rues. Il n'avait même pas remarqué que ses pas l'avaient guidé jusqu'à la demeure d'Eija. Eija qu'il n'avait pas revu depuis… très longtemps mais il se souvenait encore des fois où il l'avait aidée à ramener sa mère chez elle. Johanna était accro à sa bouteille de vodka et ce n'était pas Yngve qui allait l'arrêter. Il la voyait parfois en ville, il ne lui parlait jamais, il n'en voyait pas l'intérêt, il avait bien envie de lui demander des nouvelles d'Eija mais … Mais ses yeux devaient lui jouer des tours, car il était plus que familier avec les silhouette et la scène qui se dessinait devant la maison des Åberg. "Eija? EIJA!" Yngve avait hurlé avec toute la force qu'il avait, abandonnant sa pelle pour se diriger vers la mère et la fille.
Rêve? Souvenir qui se dessinait devant ses yeux? Il n'en avait rien à faire.
Eija L. Åberg
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Sujet: Re: But all my tears have been used up — Eija Sam 14 Mar - 16:45
« Eija? EIJA! »
Elle pensait que c’était le vent qui l’avait appelée, que la brise triste de l’hiver suédois s’était levée pour revenir brûler sa peau et graver son nom sur l’écorce des arbres, les quatre lettres se dessinant même dans la neige quelque part derrière elle. La jeune femme ferma les yeux un instant, préférant se concentrer sur ce qu’il restait de sa mère, agenouillée sur le perron et secouée par de violents sanglots qu’elle ne pouvait contenir. Eija observait ces larmes. Elle les enviait. Elle en rêvait. Elle espérait secrètement qu’elles viennent se loger un jour aux coins de ses yeux et qu’elles se mettent à rouler sur ses joues pour ne plus jamais s’arrêter. La blonde voulait savoir, se souvenir du goût salé de ces torrents, les laisser l’inonder pour la noyer sans doute. Mais Eija n’avait pas le droit. Pas ici, pas dans cette ville ni dans les draps qu’elle regagnait chaque nuit. Pas quand le souvenir de son père et de Micael semblaient encore peupler les rues et que chaque regard lui paraissait étrangement familier. Pas auprès de Johanna non plus, cette dernière étant bien incapable de sécher les pleurs de sa propre fille si toutefois elle s’autorisait enfin à craquer. Eija se devait simplement d’aider l’ivrogne à se relever coûte que coûte, rabâchant sans cesse les mêmes mensonges, prétextant que Fritz finirait par les retrouver ou que Johanna pouvait toujours essayer d’aller de l’avant et de refaire sa vie avec un homme de la ville. Il en existait sûrement un autre dans ces rues sordides et répugnantes qui était coincé ici tout comme elle. Il fallait que Johanna y croit, qu’elle se concentre sur l’avenir plutôt que sur ce qui s’était produit hier, qu’elle arrête de courir après du vent ou qu’elle se laisse désespérément tomber dans la neige en attendant que la nature veuille bien lui rendre son époux.
Mais l’avenir était un leurre, un doux mensonge pour bercer et rassurer les plus naifs. Il n’y en avait jamais eu. Ni dans le ventre d’Eija ni dans son coeur. Elle était faite pour rester vide de tout, le véritable amour se refusant à elle parce qu’elle ne le méritait pas. Ses entrailles ne donneraient jamais de fruit sans que la naissance de ce dernier ne vienne lui arracher un ultime souffle. Oh, elle aussi aurait voulu se mettre à genoux pour hurler au ciel que c’était injuste, qu’elle voulait se donner et s’offrir sans que personne en ait à payer le prix. Elle aussi aurait voulu baisser les bras pour être enfin libre. Il ne lui restait plus que ça dans le fond, la perspective d’un cercueil bon marché et d’une stèle bancale dépourvue d’inscription, comme si personne n’avait eu la chance de constater son existence en dehors des milliers d’autres corps qui avaient pris plaisir à la souiller. À Dödskalle il n’y avait plus d’espoir et le vent le lui rappelait sans cesse et ébouriffant sa chevelure et en soulevant les pans de sa robe. L’avenir n’existait pas puisque c’était le village tout entier qui semblait hurler son prénom pour l’enfermer entre les murs de cette maudite demeure.
Un bruit sourd pourtant. Une sonorité métallique qui fit sursauter la jeune femme tandis que ses lèvres glacées continuaient de trembler, sa tenue convenant certainement pour trainer à l’intérieur de la maison mais pas pour la recouvrir suffisamment dans tout ce blizzard et cette neige. Johanna se retourna en même temps que sa fille, alertée par ce son qui lui rappelait sans doute la portière d’une voiture qui claquait dans l'air du soir. « Yngve. » Un murmure qu’Eija prononçât seulement pour elle, une vague de chaleur s’engouffrant dans chacun de ses membres, un sourire se dessinant doucement sur sa bouche brûlante. La jeune femme se précipita vers lui, abandonnant sa mère sur le pas de la porte, comblant rapidement le vide qui la maintenait à l’écart du jeune homme. Quelques enjambées seulement avant que ses bras ne trouvent le cou d’Yngve, ses orteils nus frissonnant au contact du sol. Pourquoi s’agrippait-elle désespérément à lui ? Elle n’en savait rien, elle n’aurait pas su l’expliquer. Il était là. Il existait. Ou plutôt il survivait, tout comme elle, la mâchoire de la blonde continuant de claquer tandis que tout son corps ne parvenait plus à supporter la température négative. Tant pis. Elle voulait rester là, ses pouces passant doucement sur les joues de son ami comme si elle essuyait des larmes qui n’avaient jamais existé, son regard se fondant dans le sien avec la sensation qu’elle retrouvait enfin quelque chose qu’elle avait perdu depuis longtemps. Elle ne savait pas quoi, elle ne cherchait pas à connaître les réponses aux questions qu’elle ne se posait même pas de toute façon. Le cou tendu, elle se contentait de l’observer en regrettant d’avoir pu croire un seul instant que c’eût été la mort qui venait la cueillir bien plus tôt que prévu. Et pour s’assurer qu’il était bel et bien vivant dans ce monde de mourants, elle s’était blottie contre lui, juste pour qu’ils s’embrasent et se consument dans les flammes de tout ce qu’ils ne possédaient pas, tout cet amour qu’ils ne mériteraient sans doute jamais. Elle aurait pu éteindre ce feu en offrant ses larmes pour la première fois depuis longtemps, en lui confiant sa tristesse pour qu’il jure qu’il en serait à jamais le gardien, qu’il prendrait soin de sa mélancolie et qu’il la garderait pour lui, quelque part où elle ne pourrait plus jamais la voir ou la sentir s’emparer de sa poitrine.
Elle n’avait rien dit. Aucun mot ne suffisait. La neige, le vent, le froid et le peu de choses qui les animaient encore parlaient pour eux. Encore frémissante, elle avait saisit la main de Yngve pour la serrer dans sa paume fragile, le guidant vers la maison qu’elle avait habité durant tant d’années. Agrippant finalement le bras de Johanna, Eija invita Yngve à faire de même dans un regard, soulevant la mère jusque dans son lit où la blonde se chargea de la border avant de regagner la cuisine. Elle était silencieuse, ses pauvres jambes se remettant doucement de ce qu’elles venaient d’endurer. Peu importait dans le fond. Yngve était là. Yngve était vivant. « Du thé ? », demanda-t-elle dans un murmure qui paraissait presque timide et réservé. En vérité, elle voulait simplement retrouver les bras du brun et ne plus jamais les quitter.
Parce qu’il n’y avait que lui qui connaissait le goût amer de la neige aussi bien qu’elle.
Yngve Angsar
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Sujet: Re: But all my tears have been used up — Eija Sam 28 Mar - 12:11
Pouvait-on replonger dans un souvenir? Repartir dans le passé et se laisser bercer par des rêves qui avaient été à nous et qui nous avaient fait sourire et pleurer? Le pouvait-on? Yngve ignorait complètement la réponse à cette question mais distinguer la silhouette d'Eija lui donnait l'impression d'avoir des années de moins. Son coeur paraissait un peu moins vieux, un peu moins usé et cassé et il pouvait s'en servir comme avant. Sa respiration était moins lourde et moins profonde, il était moins triste et moins sévère... comme avant. La neige était la même, les étoiles dans le ciel étaient les mêmes mais lui, elle, ils étaient de nouveau jeunes.
Yngve se souvenait encore de ces nuits à soulever la mère d'Eija, trop bourrée et qui murmurait des phrases qui n'avaient pas de sens pour le fossoyeur. Il admettait avoir compris qu'elle pleurait un amant, peut être le père d'Eija, mais pour le reste, il préférait ne pas écouter et se concentrer sur le visage de la jeune fille qui avait grandi dans la même ville que lui. Yngve se souvenait encore des maigres sourires qu'il lui avait offert avant de lui proposer sa première cigarette, il se souvenait d'avoir vu Eija triste comme lui, sourire parfois et toujours être là. La jeune fille avait toujours été belle mais pour Yngve c'était plus que cela, il l'avait vue grandir et il se souvenait encore de sa mine innocente quand elle n'avait seulement qu'une dizaine d'années et qu'elle tentait de comprendre le monde. L'innocence avait fini par partir, par être rongée et consumée par le monde extérieur et Eija avait dû grandir. Mais tout ce qu'il voyait ce soir c'était qu'elle était rentrée à la maison, comme si toutes les années qui étaient passées entre sa disparition et ce soir, n'avaient jamais existé. Yngve voulait croire qu'il pouvait retourner en arrière, qu'ils pouvaient le faire tous les deux. Elle courrait vers lui et peut être qu'il ne s'était pas rendu compte qu'ils faisaient de même, ses pieds trop engourdis par le froid mais répondant quand même aux ordres. "Eija, Eija." Il ne criait plus, il se contentait de le murmurer comme une prière pour lui-même. Un leitmotiv qui prit tout son sens alors qu'Eija se retrouva blottie au creux de ses bras. Il la serra contre lui, ses bras autour de la taille de la jeune fille, son menton posé sur les mèches blondes de son amie.
Où était passé le temps?
La respiration d'Yngve se fit lente et mesurée tandis que les minutes passaient et il la regarda s'écarter un instant, sûrement pour pouvoir le regarder. Oui, c'est moi, avait-il envie de murmurer. Yngve n'en avait pas la force, trop d'hivers étaient passés sans plus personne pour le contempler, le regarder et lui donner une raison d'exister. Lui qui avait toujours été mauvais et infecte était devenu dur au possible. Sa peine et sa colère s'étaient mêlées en autre chose, quelque chose de noir et de néfaste. Mais il avait passé trop d'hivers seul, eux ils avaient eu la chance de partir, d'explorer le monde, d'avoir des peines, des déceptions, d'avoir quelque chose. Lui le fossoyeur, lui qui enterrait les morts et disait adieu à chacun des cadavres, lui... il n'avait rien eu. Absolument rien que les rues de Dödskalle et sa misère, rien d'autre que les corps, rien d'autre que sa ville. Et tous, finissaient pas revenir, tous. Eija était là contre lui et il avait presque l'impression d'être utile, de lui servir à quelque chose, mais qu'elle se serve de lui, qu'elle absorbe toute sa peine, tous ses souvenirs, tout ce qui faisait qu'il était lui, pour pouvoir vivre un jour... Juste un jour de plus. Il l'avait suivie dans un silence et comme un accord passé entre eux il y a des années de cela, il l'avait aidée à soulever sa mère. Jamais aucun mot n'avait été échangé à ce moment là alors il ne voyait pas vraiment de raison pour que cela change. Tout était presque parfait, ils étaient revenus en arrière. Yngve se dirigea de lui-même dans la cuisine, laissant un moment à Eija avec sa mère. Il s'installa sur une chaise qu'il connaissait, il ôta d'abord son bonnet, passant une main dans ses mèches brunes, avant d'enlever ses gants. Les mains enfin libres, il porta un semblant d'attention à ses pieds. Oh il avait l'habitude, l'hiver était rude cette année mais... oui, il avait l'habitude. Eija apparut dans la cuisine et il lui adressa un léger sourire.
Yngve hocha la tête à sa proposition, il n'aurait pas dit non à quelque d'un peu plus fort mais soit, il n'avait pas envie de jouer les rabats joies et de gâcher l'atmosphère de leurs retrouvailles. Il l'observa bouger et tandis que l'eau se réchauffait, il fit signe à Eija de se rapprocher de lui. Yngve prit les mains de la jeune fille et les glissa dans les siennes, elle avait toujours les doigts aussi fins. Les siens paraissaient vieux et usés à côté. "Depuis combien de temps es tu rentrée?" demanda alors le fossoyeur. Sa voix aussi était fatiguée et Yngve buta sur plus d'un mot avant de lâcher sa phrase dans un souffle. Eija avait certainement choisi le pire de tous les hivers pour rentrer. "Tu m'as manquée." avoua ensuite le fossoyeur à demi-voix. "Rien a changé ici tu sais... enfin presque rien." C'était un mensonge mais Yngve aimait bien prétendre et pour Eija, il pouvait le faire.
Eija L. Åberg
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Sujet: Re: But all my tears have been used up — Eija Mer 15 Avr - 14:20
Les mains d’Eija étaient douces, aussi pâles et blanches que la neige qui s’entassait au dehors et que personne n’osait vraiment venir perturber. À part quelques gamins téméraires sans doute, qui auraient voulu s’amuser de toute cette poudre et qui en aurait fait des sculptures aux silhouettes presque humaines. Mais les grands n’y touchaient plus, non. Ce n’était pas pour les adultes toute cette cendre glacée qui continuait de tomber des cieux. Ce n’était plus aussi beau et enivrant, il n’y avait plus d’intérêt à observer ce qu’on avait déjà trop vu. Comme les mains d’Eija qui semblaient si pures, si claires, sa peau lisse et délicate leur conférant une certaine innocence qui n’existait plus, qui n’avait même pas eu le temps de s’attarder sur son pauvre corps. Elle ne se souvenait pas avoir été pure, non. Micael avait eu la décence d’attendre qu’elle soit un peu plus âgée mais avant cet homme-là, se furent les mots de sa mère qui vinrent marquer sa chair et ses pauvres doigts fins et maladroits. Tu es trop belle Eija, ils vont t’avoir toi aussi. Mais la pauvre gamine ne comprenait pas, elle ne se doutait de rien et dans le regard de Micael elle s’était dit que sa mère s’était amèrement trompée, qu’elle était quelque chose de plus que son physique parfait et ses regards timides ou ses joues roses. Johanna l’avait pourtant mise en garde et l’enfant s’était jurée de ne pas tomber dans le piège elle aussi, qu’elle ne serait jamais comme sa mère pour la simple et bonne raison que le jour où elle donnerait la vie à son tour serait l’instant où elle pousserait son dernier souffle. Pas de place pour un homme donc, depuis le début, depuis toujours. À croire que c’était elle qui avait fait fuir son propre père, que c’était encore elle qui avait réussi à lasser Micael et que ce serait toujours elle qui réussirait à dégouter le premier individu qui aurait l’intention de faire d’elle une épouse et une mère. Non, Eija ne pouvait pas être tout ça. Ses mains n’étaient pas faites pour caresser les visages de ceux qui se tenaient en face d’elle, sa poitrine ne serait jamais gonflée, ses entrailles ne pourraient être fécondes et ses lèvres ne servaient qu’à attiser les braises du désir de tous ces inconnus qui voulaient la posséder l’espace d’un instant. Mais Eija n’était à personne. Elle ne s’appartenait même plus.
Alors oui, ses mains juraient entre celles de Yngve mais elles étaient toute aussi sales et souillées par la vie. Pas de boue ou de terre sous ses ongles, pas de creux ou de griffures, pas de cicatrices ou d’hématomes, et pourtant ses paumes étaient encore plus répugnantes que celles du jeune homme. Il n’y avait qu’elle qui pouvait le voir et elle aurait pourtant aimé que cela soit visible de tous, que la moindre parcelle de sa pauvre chair imprégnée des pêchers commis par les autres ressemble enfin à la peau rugueuse et dégoûtante qu’elle méritait. Peut-être qu’elle serait alors en paix avec son reflet, qu’elle ne serait plus aussi effrayée à l’idée d’être imparfaite. Peut-être qu’elle serait enfin libre si elle n’était plus au goût de personne… Eija releva la tête, lassée et écoeurée par tout ce qu’elle était, reportant toute son attention sur Yngve qui la méritait bien davantage. Elle avait envie de lui répondre qu’elle était rentrée depuis trop longtemps et en même temps pas assez, ou qu’elle n’était tout simplement jamais partie. Elle aurait souhaité pouvoir lui avouer qu’elle ne comptait pas rester plus de quelques jours, et en même temps à quoi bon se mentir. Dödskalle aurait raison d’elle, comme tous ceux qui étaient nés ici. « Je suis rentrée il y a quelques jours. J’ai juste eu le temps de poser mes valises et… » Elle s’autorisa un soupir, son regard s’attardant sur la porte qui donnait sur le petit couloir et vers la chambre où sa mère était maintenant couchée. « Tu connais Johanna, je ne vais pas te faire de dessin. » La jeune femme se tourna à nouveau vers Yngve, décidant de ne pas s’attarder sur ce sujet et préférant se concentrer sur l’aveu qu’il avait fait juste avant qu’elle ne prenne la parole. Un sourire bienveillant se dessina sur ses lèvres alors qu’Eija récupérait ses mains pour venir les poser à nouveau sur le visage du fossoyeur, ses pouces caressant doucement ses joues, y découvrant la sensation agréable que sa barbe laissait sous ses doigts. « Tu m’as manqué aussi. J’ai souvent pensé à toi à Stockholm, je suis sûre que tu aimerais cette ville. » Elle posa un baiser sur son front avant de retourner chercher la bouilloire qui commençait à hurler quelque part derrière elle.
S’armant de tasses, elle réussit à trouver quelques rares sachets de thé qui devaient trainer ici depuis plusieurs années ainsi qu’un peu de sucre, un pot de miel et du pain qui commençait à rassir. Presque un festin pour Eija qui avait pris l’habitude de survivre depuis son plus jeune âge avec une mère incapable de faire les courses et un cruel manque d’argent. La blonde posa le tout sur la table, s’assurant de n’avoir rien oublié au passage, ne préférant pas demander si Yngve voulait parler de tout ce qui s’était produit dans cette foutue ville depuis qu’elle s’était volatilisée. Elle-même ne savait pas vraiment si elle était prête à l’entendre. « C’est pas grand chose mais c’est déjà un début. Désolée, je n’ai pas eu le temps de faire les courses depuis que je suis arrivée. Je te ferais un vrai dîner la prochaine fois, promis. » Son regard se perdit dans celui d’Yngve, un autre sourire s'égarant sur ses lèvres. « Je ne t’ai même pas demandé si tu voulais quelque chose pour tes pieds… » Elle se retint de lui faire constater qu’il ne devrait peut-être pas sortir dans cette tenue, mais à quoi le réprimander ? Ils étaient nés à Dödskalle, ils savaient ce qui les attendait. Et ce n’était certainement pas le froid qui risquaient de les embarquer tous les deux.
Yngve Angsar
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Sujet: Re: But all my tears have been used up — Eija Dim 3 Mai - 13:20
Le visage d'Yngve s'était fermé alors qu'elle lui parlait de la capitale de leur beau et grand pays. Encore quelque chose que le brun ne connaissait pas. Il n'avait pas eu cette chance lui, il n'avait eu aucun désir, aucun élan de partir ailleurs. Pourquoi le faire? Pourquoi quitter la ville? Il n'avait jamais demandé à Eija pourquoi est-ce qu'elle était partie. Elle était juste partie, c'était tout simplement ainsi, il n'y avait pas de question à se poser ou même d'interrogation à avoir, il fallait juste hocher la tête et continuer son petit bout de chemin. Yngve se contenta donc d'un sourire, son regard dur et froid se posant sur un des tiroirs de la cuisine. Il se sentait étrangement à sa place ici et pourtant ce n'était pas sa maison, et pourtant, il n'était pas venu ici depuis des années. Il n'était plus aussi doux et innocent qu'avant, il n'avait pas envie de serrer Eija contre lui et de lui dire que tout allait bien. Il n'avait pas envie de lui demander où est-ce qu'elle disparaissait parfois et pourquoi elle revenait avec un sourire triste sur le visage et des nouveaux vêtements. Elle avait été grande avant l'heure et il l'avait regardé. Yngve n'était pas stupide, il se doutait bien que quelqu'un devait entretenir ce petit bout de femme, il n'avait juste jamais demandé qui, ni même comment et où parce que ça ne le regardait pas. Yngve, en dépit de ce qu'on pouvait croire, ne jugeait jamais les gens. Pour lui les règles de la vie et les règles de Dödskalle étaient bien simples, tout le monde pouvait gagner à condition de jouer le jeu. Cependant ils fuyaient tous, ils fuyaient tous la ville et le lancer de dès mortel comme s'ils étaient mieux que tout ceci et qu'ils n'avaient pas envie de se soumettre aux règles.
Mais Eija et ses baisers et son parfum était de nouveau là et c'était précisément ce dont il avait besoin. Il ne pardonnerait probablement jamais à Sanja sa proximité avec Damian, c'était affreux et contre nature. Yngve la rayait donc mentalement de sa liste d'amis et il ne gardait que le meilleur, que les meilleurs. Il suivit le regard d'Eija vers ses pieds et il lui offrit un autre sourire. "Ne t'en fais pas, je commence à avoir l'habitude, on a eu des hivers beaucoup plus rudes depuis que tu es partie." Des hivers et des nuits froides pour lui et pour Dödskalle. Yngve n'avait rien à raconter lui, ses récits impliquaient des cadavres, des morts, des animaux rampants et de la terre retournée. Il ne voulait pas parler du cimetière ce soir, il était en meilleur compagnie. Il regarda le thé et s'empara doucement du miel qu'il mit sur les tranches de pain un peu trop dur. Comme d'habitude, il servit Eija avant lui, pensif. Son estomac grogna quelque part signe que le fossoyeur n'avait pas mangé depuis des jours. Le brun l'ignora superbemement, ce n'était pas la première fois qu'il s'affaimait, avant de poursuivre. "Et j'ai gardé un oeil sur ta mère, elle a eu ses bons et ses mauvais jours, elle me reconnaît parfois mais..." L'homme aussa les épaules. C'était dur de parler de ce genre de choses et puis, il n'avait pas envie de voir des larmes aux coins des yeux d'Eija. Elle n'était plus une gamine, certes, mais certaines choses n'était pas bonne à entendre. Le silence se fit. Il but une gorgée de sa tasse, se brûlant un peu la langue et se rappelant qu'il était en vie dans le même temps. Yngve fixait toujours la jeune fille tandis qu'il mordait dans un morceau de pain, son corps accueillant la nourriture comme s'il s'agissait du plus décilieux des mets.
Il mâcha, il mâcha et il pensa qu'Eija lui avait manqué. Qu'elle était belle. Qu'elle pouvait être la seule femme de sa vie maintenant et qu'il pourrait se blottir contre elle la nuit. Elle ne pouvait pas rester avec Johanna, il avait de la place lui, dans sa grande maison vide. "Eija." dit-il enfin, après de longues minutes de réflexion. "Pourquoi es-tu rentrée?" Si elle finissait par repartir et qu'il s'attachait, il n'était pas certain de pouvoir le supporter. Non, pas encore une fois, Kjell viendrait trouver son corps dans leur ancienne maison dans ce cas-là. Juste un corps, pas de pensées, ni même d'excuse... Juste un corps. "Je veux dire. Je suis content de te voir, crois moi mais... Il n'y a rien pour toi ici, vraiment." Il tourna la tête et sa main se referma sur sa tasse. Yngve n'aimait pas son discours. Depuis quand poussait-il les gens à partir? Détestable vraiment.
Eija L. Åberg
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Sujet: Re: But all my tears have been used up — Eija Jeu 21 Mai - 20:32
Quelque part, Eija s’en était voulu. Évidemment qu’elle s’était remise en question alors qu’elle avait demandé un aller simple pour le premier vol vers la capitale, majeure depuis bien peu de temps et déjà en train de fuir. Mais fuir quoi au juste ? Le froid de la ville, l’écho dans les arbres qui murmurait sans cesse le même prénom, le désespoir de sa mère ? Peut-être que c’était son destin qu’elle avait essayé d’abandonner derrière elle, comme si elle pouvait s’en débarrasser et passer à autre chose en oubliant ce qui l’attendait si elle décidait de faire sa vie comme si de rien n’était. Peut-être aussi qu’elle était condamnée à n’être rien de plus que le parfait mélange de son père et de sa mère, à jamais marquée par l’absence douloureuse du seul homme qu’elle s’était autorisée à aimer, contrainte de couper les ponts avec lui car sa présence la faisait souffrir encore davantage. Eija s’était retrouvée perdue, orpheline, célibataire et salie, sur le point de rendre son dernier souffle si elle autorisait l’enfant qu’elle portait à pousser son premier cri. Elle n’avait pas su quoi faire, non, tout était devenu trop insupportable et le moindre baiser sur sa peau avait soudainement pris des allures de brûlures. À Stockholm, les choses avaient changé. Elle n’était plus qu’une jeune femme parmi tant d’autres. Elle n’était même plus Eija, se choisissant un autre prénom pour faire abstraction de tout ce qu’elle avait vécu, pour oublier ce passé qu’elle n’avait pas voulu garder et avec lequel elle n’aurait pas su vivre de toute façon.
Mais la vie avait fini par la rattraper, lui rappelant ainsi qu’elle aurait pu courir à l’autre bout du monde si elle l’avait souhaité, elle n’aurait pas pu éviter ce qui l’attendait à Dödksalle. Jamais. La planète était trop ronde pour qu’elle ne revienne pas finalement au point de départ, alors Eija était rentrée en soupirant, ses doigts agrippant distraitement le pendentif qu’elle n’avait ôté que très rarement à certaines occasions qui n’étaient guère réjouissantes. Y déposant à chaque fois un baiser avant de le retirer, elle rêvait du jour où le bijou ne laisserait plus de marque autour de son cou, où elle n’aurait plus la sensation désagréable d’avoir la chair à vif sous le métal chauffé à blanc. C’était pourtant son coeur qui brulait, qui se consumait avec tout le reste, et peut-être que le vent de sa ville natale était la solution à son malheur. Elle avait entendu son souffle dans les branches qui la suppliait sans cesse de revenir… Alors quand Yngve lui avoua que les hivers s’étaient montrés bien plus rudes depuis qu’elle était partie, Eija ne pu s’empêcher de baisser la tête, se sentant presque coupable d’avoir laissé sa mère et tous ses souvenirs disparaitre sous une épaisse couche de neige et sans le moindre scrupule. Comme son père avant elle.
La jeune femme contempla le fond de sa tasse, ne prononçant pas le moindre mot tandis qu’Yngve s’appliquait à transformer les restes qui trainaient en ersatz de tartines, captant à nouveau l’attention d’Eija qui s’était perdue dans ses pensées en reprenant la parole pour lui parler de Johanna. Rien de nouveau, rien de très étonnant non plus. La mère d’Eija avait tout simplement été fidèle à elle-même et c’était à se demander combien de temps encore elle allait pouvoir survivre en continuant de se noyer dans ses bouteilles. Johanna était sûrement la seule à connaitre le dénouement et le fin mot de toute cette histoire, la seule à savoir comment elle périrait de toute manière. Eija ne répondit rien, à nouveau absorbée par sa boisson en train de tiédeur, ne songeant même plus à la nourriture dont elle aurait pu se sustenter. Elle était ailleurs, s’imaginant sans doute en train d’agir de la même façon, d’ouvrir une bouteille de vodka pour porter le goulot jusqu’à sa bouche et sentir l’alcool engourdir ses papilles et embraser sa gorge. Elle devrait peut-être faire pareil, juste pour voir, pour comprendre ce qu’il y avait de parfaitement tragique et d’affreusement libérateur dans ces quelques gorgées. Elle avait pourtant eu bien des occasions de le faire elle aussi, mais elle avait senti ses joues rougir et sa tête tourner et elle avait vite renoncer avant que tout son monde ne se mette à chavirer et qu’elle se rappelle subitement qu’elle avait effectivement tout perdu.
Yngve la sortit de sa rêverie à nouveau. Il avait le don de pouvoir l’ancrer à la réalité quand elle divaguait loin d’ici, trop loin, comme si elle cherchait à fuir sans cesse. « Parce que je n’avais pas le choix. », répondit-elle d’abord dans un murmure avant de relever la tête, enfin. « Tu sais ce que c’est… La ville, les gens… Ma mère surtout, ne faisons pas comme si elle n’était pas au coeur du problème. Je n’allais quand même pas faire la sourde oreille et la laisser se foutre en l’air et… » Eija soupira ; de lassitude ou de fatigue, très probablement. « C’est comme ça. Je ne pouvais pas rester ailleurs. C’était bien mais… Il n'y a rien à Dödskalle, ni pour toi, ni pour moi, ni pour quiconque, mais il vaut mieux que je reste ici. C’est mieux… C’est mieux pour tout le monde. » Ainsi, il n’y aurait personne pour la pleurer une fois qu’elle serait bêtement tombée enceinte du premier venu. Et loin de la capitale, elle ne rencontrerait aucun homme susceptible de faire chavirer son coeur à nouveau, elle ne serait jamais tentée à l’idée de fonder une famille. « Tu veux autre chose ? Tu es sûr pour tes pieds ? J'ai tout ce qu'il faut pour te soigner tu sais. », reprit-elle distraitement, comme pour chasser les sanglots qui lui nouaient déjà la gorge. Eija savait qu'il avait parfaitement raison, qu'il ne restait plus rien pour elle dans cette maudite ville. Mais tant pis, elle attendrait sagement que sa mère parte la première et puis elle la rejoindrait. Yngve mettrait alors son corps rigide et inerte en terre, la recouvrant de cette réalité qu’ils n’avaient pas pu fuir. Et jamais elle ne lui en voudrait.
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