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 I travel the world and the seven seas, everybody's looking for something... - Camilla

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MessageSujet: I travel the world and the seven seas, everybody's looking for something... - Camilla   I travel the world and the seven seas, everybody's looking for something... - Camilla EmptyLun 1 Sep - 20:58

Some of them want to abuse you, some of them want to be abused......


L’ambiance n’est pas désagréable, ce soir là. Le bar n’est pas particulièrement bondé et Lyov se sent respirer. Hormis un imbécile pourtant sobre qui joue continuellement avec la jukebox, le russe les trouve relativement peu emmerdant. Il arrive presque à s’entendre penser.
Sur sa droite, dans un coin de la pièce, une bande de jeunes assez calmes au vu de l’heure avancée jouent aux fléchettes. Il n’a jamais vu d’aussi mauvais tireur, mais Lyov se garde bien de faire la moindre remarque, alors que son regard balaye la salle, surveillant de son œil minutieux depuis son comptoir. Rien à signaler aux boxs. Rien aux petites tables. Rien au bar, évidemment. Personne n’ose trop bouger, sous son nez.
Du mouvement sur la gauche, il tourne vivement la tête et claque des doigts. Dans le capharnaüm ambiant de la pièce, le bruit sec aurait dû passer inaperçu. Pourtant, les deux habitués auxquels il s’adresse relèvent la tête immédiatement et cessent d’agiter le billard dans tous les sens, rougissants devant le regard acéré du patron.
Lyov se focalise de nouveau sur le reste du bar, ses mains jonglant entre les bouteilles pour servir les nouvelles commandes.
Du coin de l’œil, il perçoit Camilla s’aventurer entre les tables d’un pas rapide. 7 mois qu’elle est là, et on dirait presque qu’elle a fait ça toute sa vie. Sa capacité d’adaptation a scotché le russe. Il l’avait embauché pour lui rendre service, perturbé par la jeune femme, ses différences, ses contrastes marquants avec la population habituelle de Dödskalle. Elle semblait à la fois plus fragile, et plus inatteignable. Plus mourante…et plus vivante.
Elle s’était pointée chez lui et il s’était dit « pourquoi pas ». Il n’avait pas vu, sur le moment, ce que ça pouvait lui apporter. Aujourd’hui, il le voit bien. Elle lui est d’une sacrée aide.
Il la détaille de loin, assuré qu’elle ne le voit pas faire.
Autant il ne s’attarde jamais sur les gens, leurs cicatrices laissées par la vie, autant les siennes lui sautent aux yeux. Elles ne vont pas avec sa personne. Elles sont en décalage. Certains sont nés dans la merde et les traces qu’elle laisse sont normales. Une seconde peau.
Pas sur Camilla. C’était comme si elle avait tiré le bon ticket à la loterie de la vie, et que cette salope s’était acharnée, par la suite, à rattraper ce qu’elle devait estimer être une erreur de jugement.
Le soldat ignore tout de sa vie. Il ne lui a jamais rien demandé. Mais il ne peut s’empêcher de se demander comment elle a fini par échouer ici. Ce que les gens ont pu lui faire.
Parfois, elle laisse filtrer une information. Un détail. Parfois, elle se laisse aller. Alors il se tait, prononce tout au plus un mot ou deux, de peur de la brusquer. De peur de la bloquer. De lui rappeler sa présence, à qui elle parle. De lui rappeler de se taire, car comme pour toutes les âmes blessées, parler, c’est déjà trop en dire.
Il veille sur elle, de loin. Quelques regards noirs à ceux, trop appuyés, des jeunes loups sur son corps.
Il tente de lui redonner le sourire, comme il peut, lorsqu’il voit que le moral fait seulement semblant d’être là. Une plaisanterie, une remarque à la con. Voire même une pitrerie.
Il fait ce qu’il peut, comme il peut, avec les âmes égarées qu’il s’évertue à croiser. Les reflets de la sienne.

-Hey boss, un whisky pour mon pote. Et pour moi…ce que tu veux, mais sans alcool. J’arrête les frais, pour ce soir.

Boje moy… ils sont responsables, en plus, ce soir.
Lyov se retient un haussement de sourcil interrogateur et sert la première commande avant d’attraper un ACE multi-vitaminé et de le faire glisser devant lui.

-Sans déconner? Du jus de fruit?

-Tu préfères le sirop de menthe?

La remarque, accompagnée d’un geste du menton soulève un grommellement, mais rien de plus. L’autre se sert, réclame plus de glaçons simplement pour avoir le dernier mot, et emmène sa commande à sa table, où son ami semble déjà être en proie aux charmes de Morphée.
Ils devraient peut-être inverser les boissons…

-Camilla! Je vais chercher des réserves.

Il indique d’un signe de tête le frigo qui se vide peu à peu de ses boissons non alcoolisées. Les jours où le bar est plein, il n’aime pas trop le laisser entre les mains de la jeune femme -non qu’elle soit incapable de tenir l’établissement 5 minutes, mais il craint le comportement des consommateurs-, mais dans le cas présent, il peut se permettre d’aller chercher lui-même les réserves dans l’entrepôt extérieur. N’importe quel patron refilerait le boulot à son employé, mais de nouveau, il n’aime pas trop l’idée de l’envoyer seule, en pleine nuit, dans la petite ruelle à l’arrière du bar. Il y a suffisamment vu de types louches trainer, et a bien certainement donné son quota de torgnoles.
D’un pas rapide il se glisse vers la porte de sortie en se faufilant entre les clients, assuré par la jeune femme qu’elle l’avait entendu.
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MessageSujet: Re: I travel the world and the seven seas, everybody's looking for something... - Camilla   I travel the world and the seven seas, everybody's looking for something... - Camilla EmptyMer 3 Sep - 14:12

Je me sens bien. Étrangement à l’aise lorsque je bosse ici. En sécurité. Pourtant, beaucoup diraient qu’être serveuse dans un bar n’a rien de sécurisant et ils parleraient probablement de Lyov en des termes peu élogieux. Je remarque déjà très bien ces personnes qui le craignent et qui deviennent des petits agneaux lorsqu’il fait comprendre quelque chose. Ils ne répliquent pas. Ils ne cherchent pas plus loin. Il n’y a que les têtes brûlées qui provoquent des bagarres, mais ils se retrouvent bien vite dehors. Et cette façon de faire me rassure énormément. Je n’aime pas la violence. Je la crains. Je n’aime pas non plus la présence de tous ces hommes ; qu’on ne se leurre pas, les femmes ne sont jamais les plus nombreuses dans un tel endroit. J’ai souvent la trouille qu’ils se comportent comme des connards, comme des monstres, mais rien ne se passe jamais. Et je sais que c’est grâce à mon patron.

On ne se connaît que depuis sept petits mois, mais j’ai l’impression qu’en si peu de temps, il s’est plus intéressé à moi que mon propre père. Certes, nous n’avons pas de longues conversations, mais elles suffisent à me faire sourire. J’existe. Je ne me sens plus aussi invisible, plus aussi insignifiante. Je ne suis plus seulement la fille qui entache un nom en essayant de rompre avec la vie. Pour mon paternel je ne suis que cela. Je ne suis qu’un obstacle à ses ambitions d’homme d’affaires. Pour ma mère, je ne suis que l’erreur de sa vie. Il n’y a rien de réjouissant là-dedans, mais j’esquisse un sourire. Un mince sourire.

Un sourire qu’un client me rend, comme si je m’étais directement adressée à lui. Je pose son verre à sa table et disparaît de nouveau vers un autre coin. Je ne m’attarde jamais plus que nécessaire. Je me dirige vers les tables que je débarrasse rapidement et que je nettoie d’un rapide coup de chiffon avant de rejoindre le bar où je retire les verres de mon plateau. La voix de Lyov me fait légèrement sursauter tant j’étais encore partie dans ma bulle, mais une fois l’information parvenue jusqu’à mon cerveau, je hoche la tête à son intention, signe que j’ai bien compris.
Je le regarde se faufiler entre les clients et une fois qu’il se trouve en dehors de mon champ de vision, une angoisse sourde me noue l’estomac. Ce climat de confiance et de sécurité qui m’envahit lorsqu’il se trouve là, disparaît tout aussi rapidement lorsqu’il n’est plus.

Brusquement, tous les hommes présents m’apparaissent comme des prédateurs et je ne suis plus qu’une vulgaire proie. Ce sentiment ne me quitte jamais réellement. Il ne fait que s’éteindre de temps en temps et me donne l’illusion que je peux être autre chose, mais je sais parfaitement que tout n’est que mensonge dans mon existence.
J’avale ma salive. Je tente de ne pas paraître plus faible que je ne le suis et me redresse calmement alors que des clients m’interpellent. Je me tourne vers eux et enregistre mentalement la commande. Je hoche la tête. Mon cœur bat tellement vite dans ma poitrine que je crains à tout moment qu’il ne s’arrête. Toutes mes faiblesses me semblent être mises à nues, mais je me convaincs que ce n’est pas possible. Personne ne sait ce que j’ai traversé. Personne. Et surtout pas eux.

Je passe derrière le bar. Je prépare les commandes. Mes mains tremblent. Je respire. Tout va bien. Je repense aux conseils stupides de mon psychiatre, mais en réalité, ils ne me reviennent pas. J’ai comme l’impression que tout se mélange dans ma tête. Les mots ne soignent pas les maux. Ce qu’il me raconte ne sont que des conneries pour que je suive encore et toujours cette thérapie. Une thérapie qu’on me force à suivre.
Encore et toujours, les gens font de moi ce qu’ils veulent. Poupée qu’on manipule.

Je respire. J’attrape le plateau et m’avance dans la salle. Le pas tranquille. Sans la moindre précipitation. Je sais que ce serait une grosse bêtise. Dans l’état dans lequel je me trouve, il vaut mieux que je reste prudente. Mais je ne dois pas l’être assez. Je n’ai à peine le temps d’entendre un petit « he », qu’une main attrape mon bras. Je sursaute. Le plateau que je tenais de l’autre main glisse et tombe avec fracas au sol. Les verres se brisent. Les différents liquides se répandent en un temps record.
Je dégage brusquement mon bras et me tourne vers les clients qui attendaient. Je marmonne un petit « je suis désolée » alors que je perçois beaucoup plus de bruit à présent, comme si cet accident avait réveillé tout le monde. C’est oppressant. Je prends sur moi. J’évite la crise qui pointe le bout de son nez. Je reconnais les signes. Mais je les glisse dans une boite pour qu’ils restent silencieux. Je m’accroupis et ramasse les morceaux de verres. Je tâche d’être indifférente, mais je n’y arrive pas. J’ai encore plus conscience de ces présences à mes côtés. C’est comme un mauvais cauchemar qui devient réalité.
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MessageSujet: Re: I travel the world and the seven seas, everybody's looking for something... - Camilla   I travel the world and the seven seas, everybody's looking for something... - Camilla EmptyVen 5 Sep - 21:57

Lyov dégage un carton vide du bout d’une de ses Dr.Martens en vieux cuir brun, usé par le temps. L’emballage termine sa course un peu plus loin, butant contre les poubelles pleines à craquer de l’immeuble adjacent, probablement remplies de seringues en tout genre au vu des habitants du coin. S’il s’agit encore du quartier historique, le bar se situe tout de même à la jonction du quartier Est, beaucoup moins bien famé. Un lieu propice au commerce de l’alcool et aux soirées de débauches, une chose que le prédécesseur de Lyov avait bien compris. Et le russe lui-même, même s’il ne cherche en aucun cas à instaurer cette ambiance, n’est pas gêné outre mesure par le climat extérieur. Il a suffisamment d’autorité pour que ce qui soit dehors y reste, et pour que certains états d’esprits malsains soient laissés à la porte de son établissement. Du moins, la plupart.
D’un revers du pouce, il fait remonter le bas de son T-shirt pour dégager le trousseau de clés accroché à sa ceinture. La serrure qu’il s’était empressé de changer en reprenant le commerce, ne fait aucun bruit lorsqu’il la déverrouille, contrastant avec l’allure rouillée et défoncée de la petite porte métallique protégeant la réserve.
L’ancien soldat jette un coup d’œil autour de lui, pousse légèrement le battant qui pivote sans difficulté sur ses gonds parfaitement huilés, glisse sa main dans l‘interstice pour décrocher un méchant système de sécurité de son cru, et pénètre enfin dans la salle exigüe au sol de béton et aux murs de briques fissurées et décrépies, recouverts d’étagères cependant solidement fixées par ses soins. Le marin s’accroupit devant celle de gauche, au fond, et tire vers lui plusieurs cageots en plastique qu’il empile. Sodas, jus de fruits, boissons non alcoolisées en tout genre… Il les entasse dans un équilibre précaire avant de soulever le tout d’une bonne flexion des jambes, maintenant la totalité de son chargement d’un seul bras, son second jonglant déjà avec ses clés.
De retour dans la ruelle, les sens toujours à l’affut bien qu’il soit perdu dans ses pensées, Lyov effectue chaque manipulation, mécaniquement, dans l’ordre inverse. Le tout ne lui a pas pris plus de 5 minutes, mais pour lui, c’est toujours trop long. Il n’aime pas savoir Camilla seule.
Quelques pas le séparent du bar, qu’il effectue vivement. Un deuxième carton vire à l’autre bout de la ruelle dans un bruit étrangement sourd tandis qu’il retient un grognement contre ces foutus voisins qui viennent encombrer son allée, un regard noir est lancé à un visage indistinguable collé derrière le carreau crasseux d’un immeuble adjacent, et le voilà de nouveau dans son établissement, saisi au visage par une bouffée de chaleur qui lui semble insupportable.
Premier réflexe, il repère son employée.
Et son cœur semble chuter au fond de ses entrailles.
Il la voit de dos, seulement. Elle est simplement baissée, accroupie, à ramasser son plateau, et fort probablement du verre brisé. Il n’a pas la moindre vue sur son visage, son expression. Pourtant, il sait. Il sent.
Il la ressent elle, et tout ce qu’elle ressent par la même occasion. La panique qui l’empare, malgré ses gestes qui se veulent assurés, est tellement palpable qu’elle en est physique. Lyov peut presque la voir se dessiner autour d’elle, repeindre son aura à grands coups de pinceaux sanglants, des éclaboussures projetées par son cœur emballé, un liquide visqueux qui englue tout autour d’elle, dégouline sur son corps, ses gestes, ses pensées, suintant par tous les pores de sa peau, toxique, corrosif.
L’homme dégluti. Sa propre sensibilité, ses perceptions sont toujours exacerbées lorsqu’il s’agit de quelqu’un a qui il tient, quelqu’un qui est passé derrière la carapace, s’est faufilé dans une fissure et s’est lové contre le cœur chaud et palpitant qu’il a tant tenté d’enfouir. Il reçoit de pleine face ces sensations qui le brûlent comme un violent direct dans le sternum.
KO respiratoire.
Le russe fait quelques pas, se reprenant bien vite, cependant. Il pose les cagettes à même le sol et les fait glisser derrière le bar d’un revers du pied, avant de se diriger d’un pas vif vers son employée. Il ne bouscule personne, les gens s’écartent sur son chemin, volontairement ou non. Comme si sa propre aura risquait de les consumer, comme si leurs inconscients les faisait fuir devant un danger qu’ils ne percevaient pas vraiment eux-mêmes, un instinct de survie animal. Lyov est une planète de rage froide, comme le souffle glacial de la mort, et les gens se déplacent autour de lui, gravitent en fonction de lui en bon satellites, évitant son magnétisme néfaste.
En quelques enjambées, il est auprès d’elle. Un genoux à terre, son jean sombre n’évitant pas une légère flaque de bière, il tend une main vers le plateau, en même temps qu’elle. Ses doigts effleurent les siens, qui tremblent -du moins il en a l’impression-, qu’il saisit délicatement pour les ramener vers elle.

-Laisse. Je m’en occupe. Ça va?

Un « ça va? » qu’il regrette presque aussi tôt. Pas un « ça va? » de formalité. Pas un « ça va? » sincère mais qui peut passer pour banal. Non, un « ça va? » qui reflète toute son inquiétude, soulignée par des sourcils froncés et un regard profondément concerné. Un « ça va? » qui ne laisse pas trop de place pour une fuite.
Il cille, se mord la lèvre. Pour la première fois, c’est lui qui est gêné devant elle. Lui qui ne sait plus trop où se mettre.
Il tente de se rattraper, de lui offrir une sortie de secours.

-Tu ne t’es pas blessée?

Il indique les bouts de verre, d’un geste de la main que son regard n’accompagne pas. L’index pointé manque de conviction, la jeune femme ne peut pas se leurrer.
Mais au moins elle a le choix. Faire le lien entre les deux questions ou les prendre séparément. A elle de voir.
Lyov s’est figé. Comme s’il avait fait un geste brusque en la présence d’un animal sauvage, et qu’il s’était rendu compte trop tard que ça allait l’effrayer. Comme s’il tentait de lui faire croire, par sa nouvelle immobilité, que non, il n’avait pas bougé. Illusion d’optique.
Dans le cas présent, hallucination auditive.
Il ne veut pas rajouter à son malaise, la sentant déjà suffisamment perturbée. Il détourne le regard, déglutit, ramasse quelques morceaux de verre qu’il empile dans une pinte quasi épargnée. Il reprend le plateau et essuie le pied d’une chaise couvert d’alcool d’un geste criant l’habitude.

-Je vais prendre le service en salle, si t…

Il ne termine pas sa phrase, la noyant dans une déglutition. Si tu veux? Non. Ne pas lui faire sentir que c’est une décision prise pour elle. Juste un fait. Comme ça. Pure coïncidence, si ça l’arrange.
Ne pas enfoncer le clou.

-Prends le comptoir.

L’ordre n’est pas tranchant, net. En fait, il sonne plus comme une question. Lyov sait que le comptoir, ce n’est pas évident non plus. Il y a cette barrière, qui protège des gens. Cette bulle qui permet de respirer. Mais la pression est là, les clients qui s’impatientent, demandent des cocktails en tout genre, parfois absents de la carte, avec des consignes particulières. Il y a un coup de main à avoir, une dextérité et une rapidité à toute épreuve. Une technique. Et un certain calme à garder lorsque les clients se penchent par-dessus le comptoir en hurlant leurs commandes parce qu’ils estiment qu’on tarde à les prendre.
Il n’arrive pas lui-même à savoir ce qui serait le mieux pour elle, trop occupé à se demander ce qui ne va pas. Ce qui la met dans cet état. Cette pression qui semble monter, intarissable, prête à la faire exploser.
En fait, il est incapable de prendre une décision de peur de prendre la mauvaise. De peur de déclencher ladite explosion. Il a l’impression de se trouver face à une bombe à retardement, devant la minuterie à nue, se demandant quel fil il est censé couper.
Et pendant un instant, il se dit qu’il préférerait être dans cette situation. Au moins, il est habitué à ce genre d’engin.
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MessageSujet: Re: I travel the world and the seven seas, everybody's looking for something... - Camilla   I travel the world and the seven seas, everybody's looking for something... - Camilla EmptyDim 7 Sep - 17:15

Je me sens comme prise au piège. Je me sens cernée à cause de toutes ces personnes qui restent là, trop proches de moi. Ils piétinent mon espace. Ils se fichent bien que cela me mette mal à l’aise. Ils se fichent bien de comprendre qu’ils ne devraient pas tous être là, que ce n’est pas un spectacle extraordinaire, une fille qui ramasse des bouts de verre. Mais cela semble être la seule animation intéressante de la soirée.
Qu’ils disparaissent. Tous. Qu’ils aillent ailleurs. Pitié.
Je ferme un instant les yeux. Je prends sur moi. Autant que possible. Autant que j’en suis capable, mais je me connais. Je sais parfaitement que mes résistances sont faibles, qu’elles ne tiennent qu’à un simple fil que l’on peut casser à n’importe quel moment. Je ne suis pas de ces femmes fortes. Je ne suis pas de celles qui masquent facilement ce qu’elles ressentent. Non. On lit en moi comme dans un fichu livre ouvert. On devine l’essentiel. Et dans le fond, je ne cache rien. Je ne dissimule que les détails sordides d’une existence qui ne me convient pas. Une vie qui ne m’a jamais convenue, mais qu’on me force à vivre malgré tout.
Je rouvre les yeux. Je répète les mêmes gestes. Ils deviennent mécaniques, mais je tremble de plus en plus. Je suis nerveuse. Je crains le pire à chaque instant. Et si un homme s’approchait de trop près ? Qu’est-ce que je pourrais faire ? Et si, et si… Tellement de films se jouent dans ma tête. Ils me rendent que plus fébrile encore. Il faut que cela s’arrête. Maintenant. Mais rien ne se passe jamais comme je le souhaite et mes pensées divaguent encore. Le moment présent se mélange à de vieux souvenirs ; je ne sais plus si je suis vraiment là ou si je rêve à une autre vie.

Je respire difficilement. Je déglutis. Je n’ose pas faire de grands mouvements, ni des gestes rapides. Je crains qu’ils me trahissent encore un peu plus. Je garde la tête baissée. Je ne croise les regards de personnes. Je n’ai pas envie de le faire. Je ne souhaite pas qu’ils sentent encore plus mon trouble. Ou peut-être l’ignorent-ils tous ? Je ne sais pas. Autant que je n’en sache rien. C’est inutile. Je me mets la pression toute seule, comme une imbécile. Comme l’idiote que je suis et que j’ai toujours été.
L’idiote qui prend conscience d’une présence à ses côtés. Proche. Tellement proche. Mon cœur rate un battement au moment où nos doigts se frôlent. Il ramène ma main vers moi et seulement à ce moment-là, je réalise que l’homme à mes côtés est Lyov. Un homme en qui j’ai toute confiance. Un homme qui ne me fait pas mal et qui, je le crois, ne m’en ferait jamais. Mais cela ne calme pas pour autant les images qui défilent encore et toujours dans ma tête. Cela ne calme pas non plus les battements fous et irréguliers de mon organe vital qui s’emballe toujours un peu plus.
C’en est tellement douloureux. Je m’attends à tout moment à ce qu’il hurle, à ce qu’il m’engueule parce que j’ai fais de la casse. C’est ce que Niklas ferait. C’est même ce que Niklas faisait. Il attendait la moindre petite bourde pour me faire comprendre que je n’étais qu’une moins que rien. Et les habitudes ont la vie dure.

Mais Lyov n’en fait rien. Il me demande si ça va. Je ne sais pas si je vais bien. Je ne sais pas si je dois lui répondre. J’ignore si c’est un piège. Le calme avant la tempête, peut-être ? Pourquoi suis-je convaincue à ce point qu’il pourrait être lui ? Son image se superpose à la sienne et je perds tous mes moyens. C’est à un tel point que je n’ose toujours pas relever la tête. Je reste là. Comme une gamine prise en faute.
Est-ce que je suis blessée ? Je remarque son doigt qui désigne les morceaux de verre. Il paraît vraiment inquiet pour moi. Cela me bouleverse vraiment. On ne se préoccupe jamais de moi. Je ne sais jamais lorsque c’est sincère ou lorsque c’est par pure politesse, comme le faisait mon père. Il me demandait si ça allait, comme il me demandait s’il faisait beau dehors. Il s’en fichait. Il voulait juste que je lui assure que je n’allais pas encore me fiche en l’air.
L’homme à mes côtés se comporte d’une manière bien différente. Un comportement qui ressemble bien plus à celui d’un père.
Sauf que tout s’embrouille encore. Les souvenirs prennent un peu plus le dessus. Mais je réagis enfin. Je sors de la bulle dans laquelle j’étais depuis plusieurs minutes. Les mains tremblantes, je les laisse devant moi. Je les regarde quelques secondes, je n’ai rien. Je les retourne afin que les paumes soient vers le haut, mes manches se relèvent et dévoilent mes cicatrices que je ne dissimule jamais réellement. Elles sont mon histoire. Elles sont mes emmerdes.
Mes bras retombent le long de mon corps. Je secoue la tête. Les mots restent coincés dans ma gorge. Si je parle, je crains de fondre en larmes et je n’en n’ai pas la moindre envie. Pourtant, les larmes me montent aux yeux. Comme un fichu automatisme.

Il ramasse les morceaux de verre à ma place. Il fait mon travail. Il répare mes conneries. Je fronce les sourcils. Je lui en suis vraiment reconnaissante. D’autant que je remarque à présent que les autres ont repris une activité normale, loin de ma personne. Je me sens déjà un peu mieux, même si rien n’est franchement plus calme dans le tourbillon de mes émotions.
Je n’entends pas non plus ce qu’il me dit ensuite. J’ai enfin eu le courage de lever la tête vers lui. J’ai l’impression d’avoir couru un marathon tant je trouve cela éprouvant et épuisant : faire face aux autres. C’est un travail de tous les jours. Un combat qui demande beaucoup trop d’énergie. De l’énergie que je ne possède pas forcément. Ses lèvres bougent mais je ne l’entends pas. Je ne suis concentrée que sur les battements irréguliers de mon cœur.

« Pardon. » Ma voix est faible. Pathétique. Quasiment plaintive. « J’étais en train de rejoindre une table et… et… quelqu’un m’a attrapé le bras… » Je me justifie comme je le peux. C’est ma préoccupation première. J’ai toujours cette crainte qu’il s’énerve à cause de ce que j’ai fais. Et cette angoisse me noue l’estomac. « … j’ai eu un sursaut de surprise… je n’aime pas qu’on me touche et… le plateau est tombé… » Je ferme les yeux. Je réprime les larmes. Si je romps la digue, je suis fichue. Je le sais. « Je n’ai pas eu le temps de le rattraper… » Je mordille ma lèvre, gênée. Je suis une employée catastrophique.
Quelle personne sensée irait bosser dans un bar lorsqu’elle n’aime pas le contact ? Je n’en connais aucune. Et pourtant, c’est ce que je fais et je me retrouve dans ces situations là. Ces situations où je me justifie de mes maladresses et de mes craintes qui peuvent paraître étranges ou stupides.
Mais à mes yeux, elles ne le sont pas. Je le supplie presque du regard. Je me sens toute petite. Ridicule.
« J’étais toute seule… Ça m’a rendue nerveuse. » Une justification supplémentaire qui me semble encore plus ridicule que toutes les autres réunies. Je suis angoissée. Réellement. À un tel point que je plante mes ongles dans les paumes de mes mains pour atténuer l’angoisse, pour me permettre de rester dans le monde réel.
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MessageSujet: Re: I travel the world and the seven seas, everybody's looking for something... - Camilla   I travel the world and the seven seas, everybody's looking for something... - Camilla EmptyMer 10 Sep - 2:35

Lyov sursaute, manque de s’entailler le doigt avec un bout de verre, et fixe son regard vacillant dans celui de la jeune femme. Son cœur flanche, un instant. C’est dû à un il ne sait quoi au fond de sa voix. Un trémolo, une note plaintive, une douleur sourde qui s’enroule autour de ses cordes vocales et étouffe la netteté de son ton. Pourtant, sa voix, ses propos, nets, ils le sont. Tranchants et précis, se plantant avec précision dans le flanc à vif de son sentimentalisme.
Son cœur loupe un battement, tente de se rattraper en envoyant un peu plus de sang la fois d’après, propulsant l’hémoglobine dans sa cage thoracique qui semble exploser sous la pression, avant que le flux sanguin ne cesse violemment sa course dans les tripes de l’homme, nouées et contorsionnées sur elles-mêmes, encaissant l’impact dans toute sa brutalité, faisant écho à la douleur de Camilla qui résonne dans sa voix.
Un simple mot, d’abord. Un « Pardon ». Pas un « je suis désolée, ça m’a échappée. » qu’il aurait balayé d’un geste de la main et d’un commentaire du genre « Oui, je me doute que tu ne l’as pas fait exprès ». Non. Un « Pardon. » Un « Pardon. » apeuré, vibrant, tremblotant au fond de sa gorge serrée par l’angoisse. Un « Pardon. » chuintant, suintant toute la terreur du monde. Un « Pardon. » qui attend le revers, l’avalanche de coups à venir, la douleur inévitable, les conséquences de chacune de ses erreurs, de chacune de ses actions. Un « Pardon. » que Lyov n’aurait jamais voulu entendre dans la bouche de la jeune femme, et certainement pas face à lui. Un « Pardon. » souligné par les coutures sur ses bras. Les cicatrices que Lyov n’a jamais évité du regard, tout en ne s’y attardant pas. Par respect, par pudeur.
Pourtant, là, chaque balafre semble saigner de nouveau, déchirant la peau claire et la voix cassée de la jeune femme. Son âme, cassée.
Et la justification suit. Irrémédiablement. L’explication, à défaut d’être véritablement présentée comme une excuse, lui défonce le sternum pour marteler son cœur à grands coups de bélier. Autant par les mots employés que par la façon de le dire. Comme si ce n’était pas un malheureux accident, tout à fait excusable. Non. C’est de sa faute. Parce qu’elle a eu peur. A cause d’une faiblesse inhérente à sa personne. Le résultat est de sa faute, la cause est de sa faute. Elle tend presque le bâton pour se faire battre. Elle explique presque l’explosion de violence que le russe devrait lui faire subir, avant même qu’il ne le fasse. Et puis il y a ces mots. Ses maux. Elle n’aime pas qu’on la touche, non. Ça, il l’avait remarqué. Mais plus encore, elle craint qu’on la touche. Elle est terrifiée. Elle est terrifiée, et Lyov redoute de savoir pourquoi. Il n’est pas de ceux qui détournent le regard. Il n’est pas de ceux qui fuient, ou nient. Non. Il fixe la vérité jusqu’à ce que la vérité le fixe à son tour. Il l’incendie de son regard polaire, brûlant de dégoût et de mépris, avant de lui cracher à la gueule ce qu’il pense d’elle. Ce qu’il pense de ce qu’elle fait. Il juge. L’homme qui a commis et subis plus de saloperies que sa mémoire peut le supporter, juge. L’homme qui relativise, critique rarement, tente toujours de se mettre à la place de l’autre. Il juge. Il juge la vie, il juge la race humaine. Il juge le monde et son horreur. Et il n’a qu’une envie, c’est de connaître le nom des coupables dont les ombres dansent au fond du regard terrifié de son employée, pour abattre sa guillotine justicière, la lame qui s’évertue à remettre de l’ordre, à satisfaire le système de balance.
Où au moins, à éviter que plus de dégâts ne soient commis.
Pourtant il ravale sa bile. Cette rage amère qui remontait dans sa gorge en grognement furieux. Il enchaîne les loups, les musèlent, les attachent à sa colonne vertébrale, à son squelette, pour les maintenir bridés, en lui, les empêcher de s’élancer à la rechercher d’une chaire putréfiée par le vice à dévorer.
Il ravale l’ouragan, ses désastres, sa désolation et ses douleurs.
Et il ramasse. Un par un.
Les bouts de verres sur le sol, en ayant l’impression de ramasser les éclats de ses côtes, de sa cage thoracique, de son sternum qui ont volés sous les coups de bélier.
Il les ramasse sans les regarder, pourtant. Puisque ses yeux sont ancrés dans ceux de son employée, incapable de les lâcher. Il a l’impression que s’il tourne la tête, s’il ne la regarde plus, les derniers barrages vont sauter, et elle va s’effondrer en larmes sur le sol. Puis il se demande si ce n’est pas plutôt l’inverse. Si la regarder ainsi ne va pas finir par la faire se liquéfier devant lui.
Et lorsqu’elle ouvre de nouveau la bouche, la guillotine vengeresse de Lyov ne s’abat pas sur la nuque des criminels mais sur celle de son roi. C’est Lyov, qui encaisse. Dont la tête roule sous le sol, abasourdi par la décision du peuple.
Il sait qu’elle ne lui fait aucun reproche. Il le sait pertinemment.
Pourtant cela ne l’empêche pas de culpabiliser lorsqu’elle lui avoue l’une des raisons de sa nervosité. Elle était seule.
Il l’a laissée toute seule.
Finalement, le roi retrouve sa boîte crânienne entre un morceau de sternum et l‘envie de vomir, et reforme son squelette, bout par bout.

-Ne t’excuse pas. Tu n’as pas à te justifier. Un accident, ça arrive. C’est rien, Camilla. C’est rien.

Il appuie sur les derniers mots, les détache, tentant non pas de la rassurer, mais de bien lui faire imprimer que non, la situation n’est absolument pas grave. Que non, il n’est pas gentil, il est normal. Et que quoi qu’elle ait vécu avant, ça, ce n’était pas normal.
Il repère le manège de ses mains et glisse le plateau recouvert de débris sur une table en hauteur, avant, toujours à genoux sur le sol, de saisir délicatement ses doigts. Elle n’aime pas le contact, elle vient de lui dire. Pourtant, il prend le risque. Malgré la crainte du rejet, il glisse ses mains entre les siennes pour qu’elle cesse de se faire du mal, pour qu’elle ne rajoute pas de nouvelles marques à sa peau qui n’aurait jamais dû en avoir la moindre.
Ses grandes mains rugueuses de travailleur effleurent avec douceur les paumes de son employée. Quelque chose, au creux de sa main, irradie de chaleur. Comme s’il tentait de réchauffer la jeune femme de l’intérieur. A moins que ce ne soit elle? Sa propre chaleur humaine?
Lyov chasse ces questions et reprend un risque. Encore. Parce qu’elle le mérite. Parce qu’enfin, quelqu’un doit lui tendre une main avec une autre intention que celle de l’abattre sur son visage.

-Est-ce que ça va aller? Est-ce que je peux faire quelque chose?
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MessageSujet: Re: I travel the world and the seven seas, everybody's looking for something... - Camilla   I travel the world and the seven seas, everybody's looking for something... - Camilla EmptyJeu 11 Sep - 17:12

C’est rien. Les mots flottent un moment avant qu’ils n’arrivent enfin jusqu’à mon cerveau. Je les entends enfin, mais je ne le comprends pas de suite. Je ne peux pas croire qu’on me dise, à moi, que mes conneries ne sont rien, alors qu’on m’a toujours convaincue du contraire. Rien n’allait jamais. Tout ce que je faisais n’était pas bon. Mon père me le disait. Ma mère me le disait encore plus. Et Niklas me le faisait comprendre en me donnant des coups et en m’insultant durant des heures, sans que jamais il ne se lasse. Alors quand Lyov me dit que ce n’est rien, je le regarde, des doutes pleins la tête.
Je scrute son regard. Je cherche la moindre faille qui pourrait me faire comprendre que je me trompe ou qu’au contraire, je dois le croire – comme je le fais tout le temps, en réalité. Il n’a jamais besoin de me convaincre de quoique ce soit, je le crois dès l’instant où il dit les choses parce qu’il n’est pas le genre d’homme à me dire des mensonges. Mais là, de suite, rien n’est certain dans mon esprit. Tout se mélange et les personnes se confondent les unes avec les autres.
Ce n’est qu’un accident. Mais cela ne me convainc pas. Moi, je m’en veux. Je me sens stupide. Je me sens gauche. Je n’arrive pas à réellement prendre conscience de ce qu’il me raconte alors que cela devrait être automatique. Mes réactions devraient être nettes et précises : ce n’est rien, donc je me relève et je reprends le service comme si rien n’avait jamais eu lieu. Mais au lieu de cela, je contiens encore et toujours cette crise d’angoisse qui menace à tout moment de prendre le dessus.

Mes ongles s’enfoncent de plus en plus dans les paumes de mes mains. Cela me calme. J’ai l’habitude. Je le fais sans cesse. Je me fais du mal parce que cela contient les angoisses et les souvenirs. Je me concentre sur autre chose durant quelques minutes, parfois quelques heures, et même si ma peau reste marquée, cela ne m’importe que très moyennement ; elle l’est déjà, alors je ne vois pas pourquoi je devrais m’en faire.
Mais je sens des mains qui attrapent les miennes et cela me fait sursauter. Je ne m’attendais pas à ce qu’il agisse de cette manière et la douleur qui s’éloigne lentement de moi m’angoisse encore plus que le reste, bien plus que ce contact inattendu.
J’ai l’habitude de sa présence. Je me suis fais à Lyov. Lorsqu’il s’approche de moi, je ne le crains pas, je ne m’angoisse pas, je ne recule pas parce que je sais que je ne crains rien lorsqu’il le fait. Mais lorsque ce sont des personnes que je ne connais pas qui agissent de la sorte, je m’angoisse et je plante mes ongles dans les paumes de mes mains parce que cela me fait du bien. Du bien. J’en suis venue à aimer les douleurs parce qu’elles me permettent de prendre conscience que je suis toujours vivante.

Je ferme les yeux. Qu’est-ce qu’il me répète tout le temps le psychiatre ? Je sais qu’il me parle souvent de quelques techniques qui permettent de faire taire les angoisses, qui les rendent moins présentes, moins puissantes, mais je ne parviens pas à remettre le doigt dessus. Il parle sans cesse de respiration, de rythme cardiaque, de toutes ces conneries, mais elles ne se mettent pas en place correctement alors, inévitablement, la digue se rompt.
Lorsque je rouvre les yeux, des larmes s’en échappent. Incontrôlables. Ce simple contact a fait sauté toutes les barrières que j’avais érigées entre le monde extérieur et moi.
Pourtant je reste silencieuse. Je ne sanglote pas. Il n’y a que des perles salées qui glissent le long de mes joues et je me déteste encore plus. Je me montre faible et minable devant toutes ces personnes présentent et je me montre encore plus pathétique devant Lyov. Et je me dis immédiatement après qu’il doit probablement regretter que je sois là alors que je ne sers à rien, je me sens inutile, comme d’habitude. Je me remets en question. Tout le temps. Ce n’est jamais bon. Toutes les raisons me poussent à prendre la fuite, à disparaître. Définitivement.

« Je peux… » Ma respiration se coupe. La fin de ma phrase meurt dans un sanglot. Elle arrive. « Une pause ? Je peux prendre une pause ? » Je ne sais pas s’il m’entend, je parle tellement bas que j’ai moi-même du mal à reconnaître ma propre voix. D’autant que je prends de nouveau conscience des présences qui sont à nos côtés et je n’ai pas envie qu’ils s’approchent, qu’ils se demandent si tout va bien, je ne veux pas le mettre dans une position inconfortable à cause de mes problèmes relationnels. « Tu es sûr que… » De nouveau, je n’achève pas ma phrase, mais mes yeux se posent sur le plateau qui se trouve sur une table. S’il est sûr que vraiment, ce n’est rien, voilà ce que je voulais lui dire, mais rien ne vient.
J’ai un besoin viscéral qu’on me rassure.
Comme une petite fille qui fait des cauchemars. Comme une gamine qui craint que des monstres traînent sous son lit ou dans son armoire ; c’est la même chose. Parce que je sais que moi, je traîne des monstres. Il y a des ombres au dessus de ma tête et elles ne me quittent jamais. Elles se font parfois plus discrètes, mais elles ne me quittent jamais parce qu’elles font parties de moi. Entièrement.
« J’ai besoin de… Je vais faire une crise… » Mon Dieu, qu’il m’a été difficile de la dire, cette phrase. Autant parce que je respire de plus en plus difficilement, mais parce qu’il est aussi difficile de l’admettre. De dire à quelqu’un qu’on en est parfois à ce stade : qu’on fait des crises à n’importe quel moment du jour ou de la nuit. « Je suis désolée, je suis… » Misérable ? Pathétique ? En dessous de tout ? Les qualificatifs sont nombreux, mais ils ne sortent pas. Inutile que j’en rajoute une couche supplémentaire.
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MessageSujet: Re: I travel the world and the seven seas, everybody's looking for something... - Camilla   I travel the world and the seven seas, everybody's looking for something... - Camilla EmptyDim 21 Sep - 14:02

Lyov sursaute avec elle. Il se rend compte que son geste a déclenché quelque chose. Il s’en rend compte trop tard.
Ses doigts reculent instantanément.
Lui a-t-il fait peur? A-t-il dépassé les bornes?
Le temps se fige un instant, le monde, tout autour de lui. La masse de personnes semble avoir disparue, une clientèle qui rapetisse pour s’évaporer, s’évanouir dans un brouhaha lointain, dans un amas de couleurs ambrée, entre le bois et le whisky.
Les gens s’évaporent comme de l’eau trop proche d’une source de chaleur. La chaleur d’un appareil qui surchauffe, d’une bombe sur le point d’exploser.
Et Lyov compte les secondes.
Il attend.
Du regard, il cherche au fond de ses yeux un détail, un indice, une minuterie.
Quelque chose va lui péter à la gueule. Camilla, va lui exploser entre les doigts.
Et comme pour égrener les secondes, comme pour traduire un compte à rebours démoniaque, les larmes se mettent à couler. Une par une.
Elles glissent sur ses joues figées, elles n’ont pas besoin de se frayer un chemin entre les soubresauts de sa peau, non. Elles prennent place, implacables. Elles s’imposent. Elles glissent comme des gouttes de cire qui viennent figer une douleur, recouvrir un visage en un masque d’horreurs. Elles viennent dépeindre les atrocités d’un passé tu, déborder d’une coquille remplie de souffrances, une carapace qui donnait le change. Le masque de cire vient hurler ses vérités.
Et son visage ne bouge pas, non. Son corps ne bouge pas.
Pas de tressautements. Pas de sanglots. Le calme avant la tempête.
Et Lyov attend. Il n’a pas conscience d’attendre, mais il attend. Il ne bouge pas. Comme si le moindre mouvement de sa part allait terminer de faire sauter le barrage. Comme si il allait déclencher l’explosion. Il attend parce qu’il n’a pas l’habitude de ce genre de bombe. L’engin va exploser, oui, et il ignore quel fil couper.
Et puis elle se met à parler.
C’est inattendu, c’est inespéré. Lyov s’y raccroche avec la force d’un damné. Elle a parlé. Sa voix est aussi chargée d’émotions que le reste, mais elle a parlé. Il reste encore une digue à laquelle se raccrocher.

-Bien sûr, prends ta pause. C’est rien je te dis…

Elle n’a pas terminé sa phrase, mais il a compris. Il l’entend presque penser, les vagues de souffrance qu’elle dégage semblent irradier de maux et de mots, transmettant au russe en des hurlements silencieux tout ce qu’elle ne parvient pas à prononcer.
Pourtant même si elle a réussi à parler, à endiguer sa panique le temps de prononcer quelques phrases, il sait, il sent, que la puissance de celle-ci va faire sauter le barrage. Maintenant, ou dans quelques secondes. Son esprit est en crue, et il n’y a rien d’autre à faire que d’ouvrir les vannes pour ne pas voir l’installation être arrachée, son esprit un peu plus démoli.
Lyov jette un coup d’œil à l’horloge, dans un coin. Il est presque l’heure, de toute façon.
En quelques pas, il a rejoint la cloche qu’il sonne rapidement. Fin de service, il ne prend plus les commandes.
L’homme ne laisse jamais son bar sans surveillance, mais pour cette fois, il peut faire une exception. Pour cette fois, il peut se contenter de ne garder qu’un œil lointain.
Alors il retourne auprès d’elle. Quelques secondes à peine se sont écoulées et c’est comme s’il ne l’avait pas quittée.
Et elle lui avoue. La crise qui approche. Comme l’ouragan qu’il sentait venir, dans l’air, et qu’il aperçoit enfin, malgré ses espérances. Elle lui dit et il se rend compte de l’effort que ça a dû lui couter, de la force dont elle a dû faire preuve, pour avouer ce qu’elle semble prendre pour une faiblesse.
Mais un stress post traumatique ne prouve pas une faiblesse. Il prouve l’impact encaissé. Il prouve la survie malgré lui.

-Ne t’excuse pas. Viens. T’as besoin d’air.

Il la fait passer devant lui en l’effleurant à peine, comme un agent de protection rapproché qui ne touche pas son client mais dégage tout sur son passage pour que celui-ci puisse se mouvoir sans difficulté, être entraîné sur la bonne voie sans avoir à y songer.
Il la fait sortir dans la petite ruelle, à l’arrière, pour ne pas être perdus au milieu des clients qui fument leurs clopes ou discutent au frais devant le bar.
La porte qui donne sur l’établissement reste entrebâillée, et Lyov se place de façon à être face à elle et la jeune femme. De manière à garder un œil sur tout.
Pourtant, son regard plonge entièrement dans celui de son employée.

-Tu as le droit de craquer, Camilla. Accepter de s’effondrer n’est pas un signe de faiblesse, bien au contraire.

Il secoue la tête. Peut-être a-t-elle envie d’être seule. Peut-être a-t-elle envie qu’il s’en aille, qu’il disparaisse et la laisse avec ses fantômes, mais il ne peut pas la laisser comme ça. Pas de cette façon.

-Il y a un trop plein, là. Tu satures. Faut que ça sorte. Laisse sortir. Ca va te bouffer.

Lui, il plonge son regard et s’y ancre. Il ne le lâche pas. Jamais. A aucun moment. Une partie de son cerveau reste concentrée sur la masse grouillante à l’intérieur de l’établissement, mais c’est une information en continue qu’il relègue dans un coin de son esprit. Sa conscience est focalisée sur la jeune femme, sur le fait de l’atteindre. De percer ce masque de cire et de plonger au fond de son regard aqueux, de cette douleur qu’il y lit, pour retrouver son employée et l’en sortir. De l’en sauver.
Il sait cependant qu’il ne peut rien faire tant qu’elle n’a pas accepté sa main. Tant qu’elle ne l’a pas pleinement accepté lui.
Alors il lui laisse le choix de faire le prochain pas.

-Si tu veux que je te laisse seule, dis le moi. Mais s’il y a quoi que ce soit que je puisse faire, quoi que soit que tu veuilles dire… Je suis là et je ne bougerais pas. Je ne te laisserais pas.
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MessageSujet: Re: I travel the world and the seven seas, everybody's looking for something... - Camilla   I travel the world and the seven seas, everybody's looking for something... - Camilla EmptyDim 19 Oct - 13:04

Je sais reconnaître les crises lorsqu’elles arrivent parce qu’elles sont devenues une habitude ; une habitude que je n’aurai jamais du connaître, mais elle est bien présente et il faut que je fasse avec. Elles surviennent n’importe quand, à n’importe quel moment, même lorsque je ne m’y attends pas et me plongent dans des situations compliquées ; des situations durant lesquelles je me sens minable et pathétique parce que des personnes se trouvent à côté de moi et dans ces cas-là, elles ne savent pas quoi faire parce que gérer les crises d’une tiers personne est quelque chose de difficile. Je le sais parce que moi-même je ne les gère pas très bien, surtout lorsque je suis seule dans mon appartement et que je peine à reprendre mon souffle tandis que j’ai l’impression qu’on me comprime le cœur de seconde en seconde. Ce sont les souvenirs qui provoquent les crises. Ce sont les cauchemars qui les rendent encore plus réels. C’est contre tout cela que je dois me battre et malheureusement, je n’en n’ai plus réellement la force.
Je plonge de nouveau dans un univers sombre, un univers où je ne suis que la victime d’un homme de qui j’étais amoureuse, qui me rendait heureuse autrefois et qui ensuite, a fait de moi ce que je suis aujourd’hui. Il m’a rendu méfiante, il a fait en sorte que ma confiance reste  bien au fond de moi ; à cause de lui, je ne supporte plus grand monde, juste quelques personnes qui font exception, mais lorsque je ne les connais pas à la base, je me demande sans cesse s’ils pourraient me faire du mal, s’ils pourraient être de nouveaux bourreaux et je réalise que je le pense à chaque fois, tout le temps, dès que je croise un nouveau visage. Certains pourraient être des amis, ils pourraient même être de bonnes personnes avec qui je reprendrais confiance en moi, mais dès les premiers instants, je glisse des murs entre eux et moi, et cela prend du temps avant que ces murs ne tombent.

Pourtant, j’ai une totale confiance en Lyov. Aussi étrange que cela puisse être, j’ai de suite eu confiance en lui parce que j’ai senti qu’il ne pourrait pas me faire du mal et je lui prouve tous les jours cette confiance en venant au travail, en ne reculant pas lorsqu’il m’approche, en me confiant parfois à lui, même si je ne m’en rends pas compte de suite. À mes yeux, il est cette figure paternelle dont j’avais besoin et qui m’avait fait défaut durant trop longtemps puisque mon propre père ne se préoccupe que de son nom, à croire que dans l’histoire, sa fille ne compte pas vraiment – et je crois que c’est le cas…
Aussi, je marche lentement, je tente de garder mon équilibre, je n’ai pas envie de paraître encore plus ridicule et faire une chute en plein milieu de la salle. Je ne souhaite pas que cela arrive. Alors je vais doucement, mais j’arrive quand même jusqu’à la petite ruelle où je m’adosse rapidement contre les briques du mur qui se trouve derrière moi. Je respire un grand coup, mais j’ai l’impression que cela me brûle les poumons. Trop rapide. Ma respiration se fait encore trop difficile et les battements de mon cœur sont désordonnés.

Je pleure encore, cela n’arrange rien à mon problème. Les larmes dévalent encore mes joues, elles ne s’arrêtent pas, comme si je les avais retenues durant trop longtemps, avec trop de violence et trop de rage. Je m’en veux d’être cette fille là. Je m’en veux de fondre en larmes alors que je suis sur mon lieu de travail mais mon patron ne m’en veut pas. Au contraire, il me rassure et m’invite même à le faire complètement, comme si c’était normal.
Je vrille mon regard dans le sien alors qu’il parle. Sa voix me rassure et je peux même dire qu’elle m’apaise assez. Il faut que je reste ainsi. Comme si il était mon point d’ancrage. Le seul moyen pour moi de ne pas perdre la raison, de ne pas disparaître complètement dans les tourments de cette crise qui peine à se calmer, malgré mes efforts. Je me penche en avant, les genoux pliés et je pose mes mains sur ces derniers. Je ferme les yeux, comme s’il fallait que je me ferme un instant au monde pour me reprendre et calmer mon organe vital.

« Je veux que tu restes. S’il te plaît. Me laisse pas. » Finis-je par dire en relevant la tête. Mon cœur bat de plus en plus fort, au point où cela en devient douloureux. Alors, je plante mon regard sur Lyov et je calque ma respiration sur la sienne. Une respiration qui est bien plus calme et qui me permet de gérer un peu la mienne de sorte à ce que mon organe vital cesse de marteler ma poitrine à ce point. « Mon père ne restait jamais pendant mes crises… Il me laissait dans ma chambre et me disait juste ‘ne fais pas de conneries’. Il avait juste la trouille que j’essaie à nouveau ; il ne voulait pas que son nom soit lié à un drame. » Cela l’aurait probablement détruit, lui et sa réputation à laquelle il tient tant. Le reste lui importe peu. Après tout, je n’étais pas sa priorité. Je ne sais pas pourquoi j’en parle, mais tant que je parle, je ne pense plus. Je marque quand même une pause et je respire une nouvelle fois en calquant ma respiration sur la sienne. Les larmes coulent toujours. Mais je suis silencieuse. Je ne sanglote pas. « Tu crois… » Les mots se bloquent dans ma gorge. Je respire un grand coup. « Tu crois qu’il est normal d’aimer quelqu’un qui nous faisait du mal ? Je veux dire… Aimer et détester en même temps ? Et même s’il n’est plus là, c’est normal si on ressent parfois un manque ? » Je demande finalement, le souffle court. Une question qui me persécute depuis trop longtemps. Depuis la disparition de Niklas. Il me manque autant qu’il me faisait du mal. Je dois être complètement masochiste pour en être arrivé à ce point là.
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