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 Is there anybody out there ? — Lyov

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Timothy L. Carrington
Timothy L. Carrington

Erre ici depuis : 20/07/2014
Âge : 27 ans
Missives : 940
Occupation : Pianiste & compositeur
DC : Emrik & Eija.

Feuille de personnage
Dispo RP: 4 sujets en cours - Occupé
Son rêve: N'a pas encore fait son rêve, est en ville depuis environ un an.
Relations:
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MessageSujet: Is there anybody out there ? — Lyov   Is there anybody out there ? — Lyov EmptyJeu 7 Aoû - 17:58


Is there anybody out there ?
Just nod if you can hear me.

Pause. Soupir. Timothy contemplait une stèle dépourvue de nom, persuadé que s’il la fixait suffisamment longtemps, elle allait finir par l’observer en retour. Et peut-être allait-elle lui répondre. Était-ce ce qu’il espérait en venant ici, les bras chargés de fleurs, le coeur lourd et les larmes aux bords des yeux ? Sans doute, sinon pourquoi se déplacer jusqu’au cimetière, à l’autre bout de la ville, où tout se finissait enfin ? Ou peut-être était-ce seulement le début. Tim ne se souciait pas de tout cela. Ses jambes le guidaient machinalement jusque vers cette tombe, comme si elle était la solution, comme si elle lui donnait la force de continuer à respirer quand tout semblait perdu. Est-ce que le pianiste pouvait mettre un prénom sur les restes du corps qui gisait six pieds sous terre, sous cette épaisse couche de boue et de graviers ? Bien sûr que non. Il n’était en ville que depuis un an et il avait eu la chance de ne voir personne périr depuis son arrivée. C’était pourtant ce qu’on lui avait promis en venant à Dödskalle. Timothy n’était sûr de rien, il ne savait pas à quoi s’attendre, mais il espérait de tout coeur que les rumeurs étaient bel et bien fondées, qu’elles n’existaient pas dans le seul but de terroriser la population et d’alimenter les légendes urbaines. Le jeune blond voulait périr ici, croupir à son tour dans les profondeurs les plus sombres, s’allonger pour l’éternité et ne plus rien entendre à part le crissement des fourmis et des vers qui viendraient lui ronger les os. La paix se trouvait là, sous ses pieds, il la foulait chaque jour davantage en se tournant parfois vers l’étendue bleue au-dessus de sa tête pour obtenir un signe, un geste clément des cieux qui lui avaient ôté son père bien trop tôt. Et à chaque fois que son regard s’égarait parmi les nuages, ses épaules s’affaissaient, suppliant l’infini, jugeant qu’il était temps pour elle de payer la dette qu’elle avait envers lui.

Assis à même le sol, le musicien arrachait des touffes d’herbe distraitement, voguant librement dans les méandres de ses souvenirs ; mais le temps avait voulu le priver des moindres images encore nettes qu’il possédait de son défunt père. Timothy pouvait revoir ses lunettes ainsi que sa façon presque trop solennelle de les enfoncer sur son nez lorsqu’il feuilletait le journal tous les matins, les sourcils froncés, concentré sur la bouillie d’horreurs qui s’amassait sur des dizaines de pages. Le reste de son passé manquait cruellement de précision, les détails s’évaporant les uns après les autres. La voix de son père avait été la première à disparaitre, indistincte et distante, le fuyant sans qu’il puisse essayer de la retenir. À force de ne plus l’entendre, à force de ne plus le voir, Holden Carrington avait fini par se changer en fantôme, son unique fils priant afin que le temps soit suffisamment clément pour laisser tout le reste intact. Tim fermait souvent les yeux au point de s’en fendre les paupières, les mains plaquées contre ses oreilles au point de sentir son coeur battre contre ses paumes, courant après la moindre reminiscence qu’il pourrait enfermer à tout jamais entre les parois étriquées de son crâne endoloris. Quand il constatait que rien ne pourrait malheureusement le ramener en arrière, rien ne parviendrait à calmer sa peine et apaiser l'organe qui se débattait sans cesse dans sa poitrine, il finissait par se lever, résigné, convaincu que la réponse se trouvait ailleurs, quelque part aux côtés de son père, dans un endroit où il pourrait sentir sa paume dans la sienne. Pourtant, Holden n’était pas enterré à Dödskalle, mais dans la ville natale de Tim, à des milliers de kilomètres de la bourgade suédoise, perdu dans la campagne anglaise, entre deux arbres majestueux qui puisaient certainement leur force des cadavres qui gisaient autour d’eux. Mais peu importait à Timothy qui n’avait pas besoin d’être face à la tombe de son géniteur pour songer à lui, la moindre stèle faisant alors parfaitement l’affaire, ses pensées ne connaissant aucune frontière et voyageant certainement jusqu’au lopin de terre où son père reposait.

Cette semaine je t’ai apporté des roses. Je t’en apporte souvent c’est vrai, mais je crois me souvenir que tu aimais bien les roses. Je les mets sur cette tombe-là, même si ce n’est pas la tienne. Tu dois les voir de là où tu es de toute manière…

Pas un mot n’avait franchi ses lèvres. Silence de mort. Muet comme une tombe. Une légère brise lui avait frôlé la nuque et son corps tout entier fut alors parcouru d’un frisson. Timothy s'était finalement allongé, une main derrière la tête, l’autre posée contre son coeur. Les yeux plongés dans l’immensité du ciel, il attendait probablement que celui-ci l’absorbe, un sourire se dessinant doucement sur ses lèvres fines.

Tu vas encore dire que je suis inconscient et que je ne sais pas de quoi je parle. Tu vas encore dire que je suis fou, ou peut-être même que tu vas encore m’en vouloir de songer à des choses pareilles… Mais tu sais papa, je pourrais vraiment partir maintenant. Juste là, maintenant. Tout de suite. Je me sens prêt, tu sais, j'y ai beaucoup songé. Je ne me sens pas vraiment triste, pas plus abattu que d’habitude. Regarde, tu vois, je ne pleure même pas. Je suis bien ici, allongé par terre, sûrement plus proche de toi que je ne l’ai jamais été. Vraiment, je crois que je suis prêt.

Timothy avait fermé les yeux, serein, persuadé que s’il le souhaitait au plus profond de ses tripes, il obtiendrait gain de cause et parviendrait à ses fins. Il suffisait de se concentrer pas vrai ? Expirer une dernière fois, offrir son ultime souffle à la nature pour que le suivant n’ait jamais lieu. Forcer ses poumons à ne plus se soulever par réflexe, rester inerte ici entre les autres corps qui n’étaient plus que boue et cendres. Attendre, espérer et surseoir encore jusqu’à ce que l’homme devienne une ombre, un souvenir vacillant qui finirait par s’éteindre comme la flamme fragile d’une bougie. Le vent courrait sur son corps, et Tim respirait toujours. Pourtant il était déterminé. Pourtant, il était prêt.

Les heures s’écoulèrent trop vite. Un battement de cil. Une pause. Un soupir. Sur l’écran de ses paupières, Tim s’était rejoué les mêmes scènes en boucle, ne se souciant plus de rien, trop ancré dans le passé pour songer encore aux secondes qui filaient entre ses doigts. Il revoyait le cercueil de son père déposé près de l’autel, les couronnes de fleurs encerclant la vulgaire boite scellée qui disparaitrait bientôt. Timothy s’était assis au milieu des bouquets, faisant face au reste de l’église, la tête posée contre le bois, ses doigts d’enfants jouant avec un pan de sa chemise parfaitement repassée. Il chuchotait, seul dans son coin, ses ongles venant parfois gratter le sarcophage de fortune, murmurant à son père tout ce qu’il n’avait pas eu le temps de lui dire avant qu’il ne disparaisse, avant que sa main devienne froide et rigide, avant qu’on l’embarque et qu'on le laisse croupir dans les entrailles de la terre. Tim n’avait pas eu le droit de voir son père quand on avait retrouvé son corps parmi les décombres déchiquetés de sa voiture, et c’était sans doute mieux ainsi. Mais c’était maintenant le coeur du pianiste qui était déchiré, qui ne cessait de se fendre encore davantage à force de battre la cadence, de marquer les temps jusqu'à la dernière portée, jusqu'à la note finale.

Quand Timothy refit surface, la nuit était déjà tombée, l’enveloppant de son immense manteau noir. Ou bien était-ce la mort qui s’emparait de lui ? On avait peut-être fini par entendre ses prières et la sentence était survenue plus tôt que prévu… Se précipitant pour se relever, il ne prit même pas le temps de saluer son père, rituel qu’il s’imposait pourtant à chaque fois qu’il venait ici, déguerpissant le plus rapidement possible vers l’entrée du cimetière, guidé par le seul lampadaire qui éclairait les portes grinçantes et rouillées de cet enfer. Déboussolé, sa tête ne cessait de tourner dans tous les sens, cherchant désespérément le chemin par lequel il était arrivé. Mais la nuit lui faisait perdre tous ses repères, et personne n’avait jamais eu la décence de lui expliquer par quel miracle les étoiles pouvaient lui être utile dans un moment pareil. À bout de souffle, le jeune homme posa une main sur sa poitrine, faisant tout son possible pour rester calme et garder le contrôle de la situation. Tout se bousculait dans sa tête, tant et si bien que plus rien n’avait finalement de sens, chaque rue se confondant avec une autre, chaque recoin pareil au précédent. Peut-être aurait-il du crier au secours, mais il doutait que quelqu’un puisse l’entendre au creux de l’obscurité dévorante qui était en train de le happer ; et même s’il avait eu le courage et l’audace de le faire, personne ne serait venu lui porter main forte... Désemparé, les mots restaient profondément enterrés dans sa gorge nouée, et sentant ses jambes fléchir sous le poids de la peur, il avait fini par se blottir dans un coin près du cimetière, à l’abris derrière quelque bosquet qui lui servirait de refuge en attendant que le soleil se lève à nouveau et que le jour revienne. Il avait l’air ridicule ainsi prostré, au lieu de se rendre à l’évidence et de tendre son coeur à l’obscurité pour qu’elle le lui arrache enfin pour l’apaiser. Et tandis qu'il restait immobile, Timothy était déjà certain de pouvoir entendre la mort qui s'approchait...
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MessageSujet: Re: Is there anybody out there ? — Lyov   Is there anybody out there ? — Lyov EmptyJeu 7 Aoû - 20:31

« Et là, c’est quoi? »

« C’est la Grande Ourse. »

« Et ça c’est l’étoile du berger! »

« Oui. C’est Venus. »


Lyov happe l’air, une respiration saccadée succédant à une autre, alors que sa cage thoracique semble s’emplir d’un vide corrosif. Un vide sombre, noirâtre, poisseux, qui colle aux parois de ses poumons.
Il vide d’un geste brusque le reste de café froid dans l’évier et rince son mug avec application, la musculature imposante de ses bras roulant sous sa peau tannée par le temps et tatouée par la vie, bien que son esprit soit ailleurs.
Il fuit le ciel du regard. Cette étendue ténébreuse dépourvue de nuage qui a refermé son écrin de noirceur sur la ville.
Il fuit les étoiles qui percent cette couverture sombre qui le rassurait et agressent ses yeux.
Il fuit les réminiscences d’un passé qui le poursuit, l’attache. Qu’il traine inlassablement.
Il fuit la passion d’Alek, héritée de sa mère, pour tout ce qui touche à l’espace.

« Papa! Viens regarder avec nous! »

Il arrive à peine à voir le visage de son fils. De sa femme. Il ne sait même pas si les voix qu’il entend sont conformes à ce qu’elles étaient. Il revoit juste un tourbillon de couleurs floues dans son monde de noirceur. Des éclats qui lacèrent ses rétines, alors que la silhouette biseautée de son petit garçon se tourne vers lui, un pantalon brun, un pull rouge qu’il mettait toujours pour sortir, le soir, sur la terrasse. Observer les étoiles à travers le télescope de sa mère.
Il revoit la tignasse châtain cendré qui s’agite alors qu’il se tourne vivement vers lui, et il a l’impression de sentir ses cheveux sur son visage, lui giflant les yeux.
Il revoit ce regard vairon, bleu et vert, qui creuse en lui deux abîmes profondes.
Ses souvenirs l’agressent, rarement ne l’apaisent.
Seuls ceux de sa femme, plus souvent, ne le blessent pas. Il peut regarder son teint légèrement hâlé, ses cheveux platines, son regard d’émeraude. Il peut se noyer dans le tsunami de couleurs qui le soulève, l’emporte puissamment mais sans la moindre brutalité.
Peut-être parce qu’elle a trouvé la paix, elle. Parce qu’il est moins ardu d’être de ceux qui partent.
Lyov pose son mug à côté de l’évier pour le laisser s’égoutter, avant de prendre appui sur le meuble de cuisine, la tête baissée, le menton contre sa poitrine.
Le silence est total.
Il ferme les yeux.
L’obscurité, absolue.
Pendant quelques secondes, plus de souvenirs. De voix. De phrases en vrac qui le torturent, lui rappelant que malgré ces tourbillons de réminiscences, il ne peut les sentir. Il n’a pas le moindre contact.
La douleur revient, brutale. Comme une montée de bile, d’acide, dans son organisme chahuté.
Le manque le saisit aux tripes et tente de les extraire de son corps alors qu’il se crispe sous cette tentative d’éviscération, serrant les mâchoires, plissant les yeux.
Il ne geint pas. Il n’a pas le droit de geindre.
Il est tout au plus tolérable qu’une victime se plaigne. Mais un bourreau, un responsable?
Un rire cynique déforme ses traits un instant, vite écourté par de violentes nausées.
Et comme un homme qui s’amuserait à retourner le couteau qu’on vient de lui planter, s’appuyer un peu plus contre la source de sa douleur, il tente d’imaginer.
Les mains de sa femme, dans son dos. Sur son ventre. L’enserrant par derrière, comme elle se plaisait tant à le faire, posant son front entre ses omoplates, soufflant contre sa colonne vertébrale en attendant qu’il joigne ses doigts aux siens.
Encore un effort, encore un. La douleur s’accentue, l’arrache, dissèque son âme, mais il force. Il pousse. Encore.
Masochiste.
Il doit la sentir.
Parfois il la sent.
Glisser ses mains sous son T-shirt, ou dans les poches de son jeans.
Son souffle dans son cou, sur son torse, sur son visage.
Ses lèvres sur les siennes.
Son corps contre le sien.
Juste sa paume dans la sienne? Un doigt qui effleure l’un des siens?
Juste ça?
Juste un instant?
Mais rien.
Lyov rouvre les yeux. La douleur a passé le stade du supportable. Paradoxalement, c’est là qu’elle le devient.
Il ne la ressent plus.
Il ne sent plus rien.
Un néant total qui reflète son univers affectif.
Il souffle, conscient de la charge qu’il vient d’encaisser et de ses mains tremblantes serrant l’évier. Ses jointures blanchies reprennent des couleurs alors qu’il s’écarte, fait quelques pas en arrière, tente de ranger la scène qui vient de se dérouler dans la case « passé ».
Déjà, il n’y pense presque plus.
Fidèle à son rituel, il se dirige mécaniquement vers l’entrée. Il chausse ses rangers, fait tomber son jean dessus, et attrape un ample T-shirt pour couvrir son torse nu, avant de sortir à l’air libre, respirant à plein poumon.
Un air qui lui fait du bien.
Le vent frappe son visage.
Un contact bien réel.
Il ferme la porte derrière lui et s’élance vers la ville à petites foulées qu’il finit par ralentir. Juste pour relancer le corps, lui rappeler que lui, est bien vivant.

Des ruelles sombres, quelques lampadaires trop espacés, et un silence agréable.
Il erre dans des quartiers qu’il connaît comme sa poche, les ayant arpentés dans tous les sens, pour occuper ses insomnies.
L’envie de griller une clope le prend mais il la repousse dans un coin de son esprit.
Il laisse aller ses pas. Son corps le guide.
Il n’est pas surpris d’arriver près du cimetière. Un lieu qui le fascine et l’apaise, un lieu où il est sûr d’être seul.
Pourtant il ne l’est pas. Pas cette fois.
A cet instant, par contre, il est surpris. Parce que s’il y avait bien une personne qu’il ne s’attendait pas à croiser au beau milieu de la nuit, c’était Tim Carrington.
Lyov reste figé, un instant. Avec n’importe qui d’autre, il aurait continué son chemin pour probablement s’enfoncer dans les bois à la recherche d’un peu de tranquillité, mais pas avec lui.
Sa simple présence avait suffit à faire naître une pointe d’inquiétude au fond de son estomac, et le fait de le voir ainsi, prostré, terrifié, n’avait fait qu’accentuer la chose.
Lyov n’avait pas pour habitude de se faire surprendre par ses propres émotions, qu’il savait habituellement parfaitement museler. Mais lorsque les souvenirs venaient hanter ses jours et ses nuits, lorsque l’épuisement le gagnait, lorsque le monde le poussait, un peu plus, encore et encore, au bord du précipice, il perdait le contrôle de la bête. Il devenait cette pelote de fils électriques dégainés qui s’entrechoquaient et produisaient des étincelles au moindre contact.
Et pour être honnête, voir le jeune Tim dans un tel état, même si ce n’était pas la première fois, lui fit l’effet d’un coup de tazer.
Lyov fit quelques pas, presque groggy, comme hors de son corps, l‘estomac chutant dans ses talons, incertain de trop savoir comment se comporter. Il avait l’impression de faire face à un petit animal blessé.
C’était l’image qu’il avait toujours eu du jeune homme, silencieux et craintif, toujours replié sur lui-même et prêt à détaler. Lyov avait tenté de l’apprivoiser, prenant son temps pour l’approcher, trouver des moyens de communications, le laissant bien souvent prendre les initiatives qui le mettaient à l’aise. Ne faisant que tendre une main pour voir ce que le jeune homme en ferait.
Il était à peine plus vieux qu’Alek. Lyov passait son temps à chercher son fils dans tous les sons, tous les visages. Et si le blond n’avait aucune ressemblance physique avec le petit garçon de l’époque, la candeur dont il irradiait suffisait à le lui rappeler, le chambouler, réveillant son instinct surprotecteur.
Il s’était promis de veiller sur lui.
Il s’était promis qu’à lui, il n’arriverait rien.
Une pierre chuta dans son estomac. Avait-il failli une nouvelle fois?

-Tim?

Il l’interpelle d’assez loin pour ne pas le surprendre. Pour lui laisser le temps de s’habituer à sa présence avant de faire quelques pas vers lui, lentement.

-Timothy? Tu vas bien, petit?

Il s’arrête assez loin du jeune homme, mais suffisamment près pour voir qu’il n’a pas l’air blessé.
Lentement, le russe s’accroupit pour être à sa hauteur.

-Je peux t’aider? Je peux faire quelque chose?

Il hésite. C’est un pas plus grand que tous ceux qu’il a fait jusque là.

-Je peux te raccompagner quelque part? J’habite pas loin, si tu veux te réchauffer un peu avant de rentrer… Tu veux parler de quelque chose?

Il voyait mal le jeune homme accepter, alors il haussa simplement les épaules, écartant doucement ses bras noircis de tatouages dans un geste d’impuissance.

-Je peux faire quoi que ce soit?
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MessageSujet: Re: Is there anybody out there ? — Lyov   Is there anybody out there ? — Lyov EmptyDim 10 Aoû - 17:44

Un frisson parcourut son corps au creux de la nuit noire, ses cheveux se dressant sur sa nuque tendue, un tremblement de chair soulevant désespérément sa poitrine pour rechercher un peu d’air et tenter de se nourrir de l’oxygène environnant. Il existait bien quelques lampadaires pour venir éclairer les rues terrifiantes de la petite ville suédoise, mais ils n’étaient vraisemblablement pas suffisant pour le jeune homme prostré qui priait déjà pour que le soleil resurgisse à l’horizon, quelque part derrière les montagnes, là où le monde semblait calme et bienveillant, certainement là où son père reposait. Il songeait encore à lui, les genoux serrés contre sa poitrine tandis que ses bras trop maigres venaient encercler ses longues jambes minces. Il levait les yeux vers les étoiles. C’était bête. C’était stupide. C’était même complètement absurde, le genre de réflexe que les héros des films les plus niais pouvaient avoir, le type de réaction qu’on ne pouvait avoir qu’au cinéma. Pourtant, Timothy avait bel et bien le cou tendu vers l’infini, vers ces petites étincelles suspendues dans l’univers comme de vulgaires cendres qui flottaient dans l’espace, sans doute les parcelles d’un monde qui avait autrefois existé. Il les observait, persuadé qu’elles pouvaient avoir réponse à tout, qu’elles pourraient l’apaiser ou le guider, ou même encore que son père était noyé au milieu de toutes ces étoiles étincelantes. Oui vraiment, c’était stupide. Mais Holden Carrington avait été anéanti lui aussi, réduit à de la poussière, un peu de poudre, comme de la cendre ou de la terre, du sable certainement. Il n’était pas plus palpable ou plus solide que les astres qui nageaient dans les profondeurs nocturnes du ciel. Alors pourquoi ne serait-il pas tout simplement là-haut, avec elles, en train de lutter pour rejoindre la terre, bloqué dans sa chute comme un bon millier d’autres météorites ? Timothy en avait assez de marcher tête baissée ; son père pourrissait six pieds sous terre, mais son âme voguait au grès des vents, il en était convaincu. Holden était là-haut, quelque part, et Tim le regardait, paniqué.

Et à cet instant plus que jamais, il rêvait de l’appeler.

Il aurait donné tout ce qu’il avait de plus cher pour être à nouveau ce gamin qui courait dans le salon de la demeure familiale pour se précipiter sur son père afin d’obtenir son attention et ainsi lui faire écouter le dernier morceau de piano qu’il avait réussi à apprendre par ses propres moyens. Il aurait vendu son âme pour revenir en arrière et avoir encore la chance de toquer à la porte de la chambre de ses parents quand la nuit l’effrayait, quand ses propres cauchemars le tourmentaient au point de venir faire rouler de nombreuses larmes sur ses joues pâles. Il aurait proposé tout l’or du monde pour qu’on lui ramène son père, même si cela impliquait qu’ils passent alors le restant de leurs jours sous la pluie, une tempête dévastatrice, un orage qui emporterait l’humanité, un déluge. Parce qu’il savait que son père serait le seul à pouvoir lui porter secours, le seul qui serait capable de le prendre contre lui pour apaiser sa peine. Oui, Timothy aurait donné sa vie pour le retrouver, pour savoir à quoi son visage pourrait ressembler après tant d’années passées loin l’un de l’autre. Peut-être qu’il n’aurait pas du quitter le cimetière et qu’il aurait du commencer à creuser sa tombe à l’aide de ses longs doigts fins, ses paumes douces et fragiles qui n’avaient jamais rien touché d’aussi rugueux, d’aussi sale, ses mains agiles qu’il aurait volontiers souiller de toute la misère du monde si cela impliquait qu’il allait enfin pouvoir rejoindre son géniteur. Mais il n’y avait pas songé, trop apeuré à l’idée de ne pas être à l’abris entre les quatre murs de son appartement.

Viens par ici fiston, ce n’est rien, ça va passer.

Timothy dissimula son visage dans ses mains, s’interdisant de songer aux propos rassurants que son père pouvait tenir autrefois.

Non, il n’est pas là, il n’est plus là.

Le jeune homme était seul et perdu dans ce coin de la ville, ridicule et honteux de ne pas être capable de retrouver le chemin jusque chez lui, se maudissant d’être aussi faible et inutile. Se maudissant d’être encore vivant. Parce qu’au fond, il savait très bien qu’il aurait du mourir à la place de son père, qu’il aurait du se sacrifier pour que ce dernier reste en vie. Il aurait du insister pour qu’Holden reste auprès de lui ce matin-là, qu’il ne prenne jamais sa voiture pour se rendre au travail, ou bien qu’il en profite pour le déposer à l’école au passage comme il le faisait de temps à autre. Ainsi, ils auraient pu périr ensemble, et Timothy ne serait pas seul ici, dans la nuit noire, dans cette ruelle paumée de cette ville abominable, le coeur meurtris et les yeux baignés de larmes, son pauvre corps recroquevillé dans un coin, son visage encerclé de ses mains tremblantes, s’interdisant de gémir ou de faire le moindre bruit, priant pour que tout s’arrête enfin, que son palpitant cesse de tambouriner au creux de ses oreilles et que les sanglots n’agitent plus sa poitrine enserrée, que l’angoisse, cette terrible angoisse ne cesse de venir s’emparer de lui, encore, toujours, inlassablement, soufflant dans son oreille et le menaçant de venir lui arracher son dernier souffle. Prends tout, aurait-il du crier à la nuit noire, prends tout ce qu’il me reste. Prends mon coeur, mon sang et ma chair. Arrache-moi les côtes et laisse moi crever tranquillement ici parce que j’en ai assez, parce que je n’en peux plus, parce qu’il ne me reste rien, strictement rien à part des murs de chair, de la peau qui ne m’appartient même pas, qui ne m’a jamais appartenue. Alors viens, prends-toi et laisse-moi enfin croupir ici.

Certains auraient pu le juger fou, mais ses peurs n’étaient pas rationnelles, on ne pouvait pas les expliquer. Le noir le terrifiait parce qu’il avait sans cesse l’impression que les mains qui s’égaraient autrefois sur son corps allaient ressurgir de nulle part pour le saisir à nouveau par les hanches et le réduire au silence. Est-ce qu’il avait un jour tenté de se débattre ou de crier ? Non, parce que la peur l’avait paralysé, cette stupide crainte qui lui glaçait le sang et dont il était maintenant l’esclave. Tim se maudissait oui, il se détestait d’être aussi chétif et lâche. Il fallait qu’il se relève, qu’il court loin d’ici pour se réfugier sous son propre toit. Mais il n’y parvenait pas, toujours immobile.

-Tim?

Silence.

Papa?

Est-ce que Timothy entendait des voix ? Est-ce qu’il délirait ? Est-ce qu’il sombrait dans une douce et sombre démence ? Il cessa aussitôt de sangloter. Cette voix. Cette voix n’était pas réelle, c’était un songe, un rêve, une étoile qui venait de tomber du ciel et qui s’était écrasée juste à ses pieds. C’était Holden pas vrai ? Holden qui était venu chercher son fils. Les paupières closes et les mains cachant toujours son visage, le pianiste poussa un soupir de soulagement.

La voix reprit. Pour le bercer peut-être, pour le rassurer sans aucun doute. Ces notes. Cette mélodie. Cette jolie symphonie qui n’était jouée que pour lui. C’était la voix de son père, n’est-ce pas ? Il ne l’inventait pas, ce n’était pas possible.

Papa… Papa tu étais où ? Papa, est-ce que je suis fou ? Je suis complètement fou hein, c’est ça ? Tu sais bien qu’on ne peut pas se parler comme ça. Tu sais bien que maman déteste ça. Je n’ai pas le droit de te parler Papa, ça la rend dingue. Elle se met à pleurer pendant des heures quand elle voit que je te parle alors que tu n’es pas là. Parce que tu n’es pas là, je suis en train d’imaginer tout ça. Je deviens taré, ce n'est pas plus compliqué que ça…

Mais il pouvait sentir une présence près de lui, face à lui, qui s’accroupissait sûrement. Tim sursauta alors, ses mains libérant son visage encore humide, ses yeux se braquant sur l’homme qui se trouvait juste là.

Lyov.

Silence.

À cet instant, Timothy comprit.

Il réalisa pourquoi il avait passé tant de temps assis au comptoir du bar de la ville à ne rien faire d’autre qu’écouter le propriétaire des lieux, griffonnant parfois un ou deux mots sur son calepin afin de lui répondre, pour que Lyov reprenne alors et ne cesse jamais de lui parler. Cette voix. Ce n’était pas celle d’un mort, encore moins celle de la nuit. C’était celle de Lyov, auprès de qui il allait toujours se réfugier quand le ciel grondait au dehors, sans vraiment comprendre pourquoi. Aussi naturellement que ses poumons avaient besoin d’oxygène, Timothy avait besoin de Lyov quand le monde s’écroulait autour de lui.

Tim observait l’autre homme sans dire un mot, se perdant dans son regard. Lyov n’avait rien à voir avec son père, pas la moindre ressemblance.

D’un revers de manche, il balaya timidement les larmes qui roulaient encore sur ses joues roses avant de se contenter d’un hochement de tête positif. À quoi disait-il oui exactement ? Peu importait de le savoir, vraiment. Lyov était là. Il n’avait qu’à parler jusqu’à ce que le soleil se lève. Le barman pouvait bien lui poser toutes les questions qui lui passaient par la tête en attendant que le jour revienne s’il le souhaitait, Tim finirait sûrement par s’endormir de toute façon, bercé par sa voix.

Quelque chose lui dicta alors de s’agripper au col de Lyov et de se réfugier contre lui, de se blottir entre les bras qu’on tendait vers lui pour enfin se sentir à l’abris.

Tu sais c’est bête mais pendant un instant, j’ai cru que tu étais mon père.

Cette pensée le fit sourire, riant intérieurement de sa propre stupidité, la tête néanmoins toujours baissée pour ne pas que Lyov puisse croiser son regard. Peut-être que Lyov allait le détruire, comme tous les autres ; mais Tim avait l’habitude de subir la démence de ceux qui l’entouraient. Néanmoins la nuit allait le rendre fou, et le jeune homme ne pouvait tout simplement plus supporter la moindre de ses pensées.

Perdu pour perdu, Timothy préférait périr auprès de Lyov.  
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MessageSujet: Re: Is there anybody out there ? — Lyov   Is there anybody out there ? — Lyov EmptyLun 11 Aoû - 0:14

Lyov avait attendu sa réponse comme le couperet d’une guillotine, l’angoisse lui serrant les tripes, une douleur sourde lui écrasant le sternum.
La vue du gamin en larmes lui retournait l’estomac avec une extrême violence, percutant de plein fouet son abdomen comme une voiture lancée à pleine vitesse.
Quelque chose s’agite au fond de sa cage thoracique. Quelque chose qu’il avait oublié. Un cœur flétri, noir, fané. Un organe qui palpite, tressaute, secoué de spasmes. Sort de son coma végétatif, tente de rappeler sa présence. Sa survie. Sa renaissance.
Et comme chaque naissance, celle-ci se fait dans la douleur brute et sanglante, dans le déchirement de la chaire et les hurlements étouffés de son corps.
Il ne prononce pas un mot. Il ne geint pas. Il ne bouge pas.
Tout simplement parce qu’il est trop scotché par ses propres sensations. Parce qu’il est trop occupé à gérer son ressenti. L’impression qu’on pèle son âme déjà à vif. Qu’on l’épluche. Encore et encore.
Pourquoi fallait-il que ça tombe sur le gamin? Pourquoi fallait-il que ce petit soit à ce point fracassé?
Parce que le savoir, le sentir, palper les faiblesses et les blessures, entre les lignes et les coups de crayons, c’était une chose. Mais voir le désastre, la destruction dans ses yeux apeurés, dans le tremblement de son corps, de ses lèvres, sans masque ni dessin pour se cacher, c’en était une toute autre.
Il ne pouvait s’empêcher de détailler son corps trop fin, maigre, qui semblait pouvoir se briser au moindre contact. Il n’avait pas la souplesse du roseau qui ploie mais ne se brise pas. Il était rigide, sec, comme une brindille, prêt à se casser en morceau. La délicatesse et la fragilité d’une statuette de verre, trop détaillée, trop finement ciselée, au point que chaque creux, chaque angle, lui conféraient à la fois cette beauté si particulière, hypnotique, presque à couper le souffle, et cette vulnérabilité extrême.
Le garçon devant lui semblait être une coquille vide, une carapace emplie de fantômes le chahutant, le bousculant, hurlant leurs tourments à son âme égarée, perdue dans son propre corps, chassée par ses démons, intruse alors qu’elle devrait être maître des lieux, hébétée, hagarde et recroquevillée dans un coin sombre de son esprit en ruine, grelotant de peur et de froid dans la tempête de son vécu.
Lyov déglutit. Le passé n’est jamais derrière soi. Il est la première chose que l’on voit le matin en se levant, et la dernière avant de se coucher. Il est là à chaque seconde, chaque inspiration, chaque geste, chaque pensée. Il est dans toutes les paroles, tous les silences, à chaque foutu pas et chaque putain d’immobilisation. Il est dans les regards et dans les yeux qui se ferment, se détournent. Dans les rires et les larmes.
Il suinte par tous les pores de la peau. Embaumant l’atmosphère. Recraché à chaque expiration pour mieux être inspiré alors qu’on recherche un peu d’oxygène pure, juste une bouffée non nocive pour survivre.
Le passé, le vécu, il est là. Etalé sur le sol entre quelques buissons, recroquevillé en une boule de douleur tremblante et en larmes.
Le poids de l’expérience, de l’existence, il est là. Sur des épaules trop frêles qui ont fini par se briser. Sur un mental épuisé qui reste bloqué sous les éboulis de la vie, écrasé par la monstruosité de cette chienne qui plante ses aiguilles empoisonnées dans les petits corps à sa merci.
Face au jeune homme, ainsi à nu, la vérité franche et brutale lui saute à la gueule. Tranche sans fioriture sans faire dans la dentelle, hormis avec ses tripes.
La vie s’est acharnée sur lui.
La salope.

Et alors qu’il se demande ce qu’il va faire, puisque le garçon ne réagit pas, celui-ci semble l’apercevoir dans son brouillard d’angoisse, et la lueur d’espoir qu’il lit dans son regard lui fait l’effet d’un deuxième véhicule lancé à toute allure contre son plexus.
Juste un signe de la tête.
Un oui.
Une acceptation à laquelle Lyov ne s’attendait pas.
Pendant un instant, il se demande même s’il a halluciné. S’il n’a pas rêvé le geste. Il est à deux doigts de reposer la question, de lui demander s’il a bien dit oui. Si le jeune homme a bien compris ce que Lyov disait. S’il avait bien accepté son invitation.
Mais il ne veut pas risquer un refus. Il ne veut pas perdre de temps. Il ne veut pas que le petit animal blessé, l’enfant apeuré reprenne les commandes et le fuit.
Il ne veut pas perdre sa première chance de l’aider. Lui apporter quelque chose.
Alors Lyov tend les deux bras vers lui, lentement, paume vers le haut. Ses mains puissantes, rugueuses, semblent supplier le ciel, mais c’est l’autre qu’elles supplient. C’est Tim.
Elles lui demandent de les prendre, de rendre son geste. De poser ses longues mains fines dans leurs creux. Et lorsqu’il le fait, presque mécaniquement, alors que le russe se demande même s’il est bien conscient de son geste, le cœur flétri refait des siennes. Il trébuche, loupe un battement, s’étale de tout son long dans la cage thoracique, tente de se relever, de reprendre la place qu’il occupait il y a de ça de trop nombreuses années. Il saute presque trop brutalement pour être certain de ne pas flancher, et remonte dans le gosier, Lyov l’a au bord des lèvres.
Autour de lui la rue semble s’illuminer un peu plus, l’obscurité désertant le bitume et les murs gris. Pourtant rien n’a bougé, rien n’a changé. Les lampadaires sont toujours les mêmes et les étoiles ne brillent pas plus. Le ciel a même commencé à se couvrir, partiellement. Les nuages cotonneux se regroupent et pendant un instant, l’idée qu’il puisse commencer à pleuvoir se glisse dans l’esprit du russe. Il n’y faisait pas vraiment attention, trop occupé à planter son regard dans ce qui semblait être pour lui un miracle de la vie, mais l’information était importante au vu des phobies du blond, et son esprit l’avait automatiquement notée.
Lyov ne décroche pas son regard, surtout pas. Comme si détourner les yeux, c’était prendre le risque de briser le moment. De perdre l’instant. De le laisser s’effondrer. De les laisser s’effondrer. Comme si c’était son regard dans celui du blond, quatre lacs de glace qui se sondent, qui leurs permettait de rester entier. De ne pas tomber en morceaux sur le goudron.
Parce que Lyov aussi, tremble. Lui aussi, il sent ses tripes vibrer, comme si tous ses organes internes avaient décidé de fuir vers ses talons, se vider sur le sol et y rester.
Le russe aussi, entend son âme crier. Le rebut de l’humanité, le prisonnier, le baroudeur. Le Zek. Celui, qui, enfanté par la noirceur a fini par l’épouser.
Lui aussi hurle en silence. Secoue les barreaux de sa cage, de sa prison intérieure.
Lui aussi, il a mal. Mal à en chialer.
Pourtant les larmes ne coulent pas. Elles n’embuent même pas son regard.
Pas pour le moment, du moins. Parce qu’il a l’habitude des situations de crises. Il gère. Sur le moment, il gère. C’est après, qu’il s’effondre. Une putain de bombe à retardement. Un grenade dégoupillée.
Pour le moment il entend à peine son organisme qui agonise. Il ressent tout juste les sauts de cabris de son cœur oublié. « Ce n’est pas normal. » lui souffle sa conscience interloquée. « Ce n’est pas normal. » Pourtant il relègue tout dans un coin de son esprit. Ce qui compte, en bon soldat, c’est sa mission. Et sa mission, c’est Tim. Le ramener à bon port. Lui offrir un thé, une oreille attentive, une épaule sur laquelle s’appuyer. Une main tendue pour l’aider à se relever.
Et il l’aide. Du moins, physiquement.
Une flexion des jambes, puissantes, contrôlées, au ralenti. Pour ne pas effrayer l’enfant. L’enfant meurtri qu’il voit dans le regard de celui qui est malgré tout, un homme.
Un geste d’une lenteur extrême pour qu’en face, le blond ait le temps de raccrocher les wagons, de suivre le mouvement.
Et il le suit. Lyov ignore s’il en est conscient, mais l’autre le suit.
Debout, face à face, paume contre paume. Le russe ne sert pas. Il a peur que l’autre s’envole, mais il ne sert pas. Il a peur que l’autre s‘envole, donc il ne sert pas.
Il ne referme pas ses mains. Il le guide vers la route, le regardant droit dans les yeux. Quelques pas à reculons pour lui, mais une traversée qui semble infinie, comme si le temps s’était arrêté, lui aussi. Le souffle du temps qui aurait peur de faire tomber la sphère fragile des apparences qui tangue dangereusement, en équilibre sur le pic de la réalité. Parce que les démons sont là, tout autour. Ils s’agitent, ils volent et bousculent, comme des esprits frappeurs. Ils attendent de voir les masques glisser vers le sol. La bulle d’apaisement illusoire, si précaire, chuter sur le bitume. Elle semble pouvoir exploser au moindre impact.
De la poudre noir.
De la poudre aux yeux.
Mais Lyov tient bon et les voilà au milieu du chemin. Il prolonge l’instant, yeux dans les yeux. Face à face rassurant. Il attend que le blond détourne le regard, qu’il transfère sa confiance dans le contact de sa main contre la sienne, et non plus dans le lien visuel. Lyov ignore qui bouge la tête en premier. Leurs gestes sont presque simultanés. Mais ils ne se regardent plus.
Ils regardent juste dans la même direction.
Et l’homme reprend sa marche.
Lentement. Sa main remonte un peu contre le poignet du jeune homme, il ne veut pas le mettre mal à l’aise. Il effleure l’arrière de son avant-bras, ne rompt pas le contact, le pousse un peu. Délicatement. Vers l’avant. Comme une vague qui le soulève et le porte, sans la moindre brutalité.
L’homme n’est pas loin de chez lui. Pourtant la marche semble durer une éternité. Silencieuse. Lente. Sous le sceau incassable de la discrétion. C’est presque un secret. Il ne doit pas y avoir de mots. De sons. Il ne doit rien y avoir pour briser cet instant. Ce moment partagé. Cette faiblesse mise à nue. Rien ne doit perturber le calme qui semble s’être installé.
Et Lyov passe la totalité du trajet à prier un dieu dans lequel il n’est pas sûr de croire pour qu’il ne se mette pas à pleuvoir.

Arrivé devant chez lui, Lyov fait le tour du pavillon. Il veut le faire passer par la terrasse, les baies vitrées. Il veut que le jeune homme puisse avoir une vue sur l’intérieur, puis sur l’extérieur. Qu’il ne se sente pas pris au piège. Il veut pouvoir avoir une ouverture, au cas où l’autre étouffe.
Le plus âgé fait coulisser les baies vitrées, et allume la lumière, gardant une main sur l’avant bras de son protégé.
Puis il lui fait face. Toujours sur la terrasse, toujours à l’extérieur.
Il rétablit le lien visuel, puis rompt le contact physique.
Il lui laisse le choix.
Pour être bien sûr.
Pendant un instant, il pense au nombre d’animaux qu’il lui arrive de retrouver dans sa cuisine ou dans son salon, lorsqu’il laisse les baies vitrées ouvertes. Il repense aux écureuils, aux oiseaux en tout genre et aux biches, qu’il lui est arrivé de croiser tout à coup. Il se souvient de ces longues secondes à se fixer, immobiles, puis à la fuite de l’animal. Au fur et à mesure du temps, Lyov avait cessé de rester sans agir de peur de les effrayer, et avait tout simplement continué sa vie, comme s’il ne les remarquait pas. Comme s’il se fichait de leurs présences. Il déambulait, s’asseyait dans un coin pour bouquiner, sortait sur la terrasse pour s’entraîner ou allait se préparer un café. La faune avait pris d’abord l’habitude, puis ses aises. Et finalement il leur arrivait de cohabiter un temps. Parfois même, avec certains, gardant tout de même une bonne distance, il partageait un repas.
Ca lui faisait bizarre de se dire qu’il était encore plus démuni face à un être humain. Qu’il ignorait vraiment comment se comporter. Qu’il lui semblait encore plus probable que le jeune homme prenne la fuite, plutôt que ses autres visiteurs.
Il hésite, il ignore.
Les gens, après tout, il les cerne facilement. Ce n’est pas pour autant qu’il sait se comporter avec eux.
« Quand je tends une main, j’ai tendance à la foutre dans la gueule. » avait-il un jour dit à sa femme qui en avait ri toute la soirée. Mais d’une certaine manière, c’était vrai.
Alors il se décide. Délicatement, il se remet en mouvement. Lentement. Pas de gestes brusques, ses mains restent le long de son corps.
Et il lui montre la marche à suivre. Il fait le premier pas. Il entre dans la cuisine parfaitement éclairée et s’efface, lui laissant la place d’entrer. La possibilité de s’enfuir.
Si le garçon entre, c’est gagné, tente-t-il de se persuader. Si le garçon entre, il verra peut-être l’habitat comme le bar. Une bulle de sûreté. Un cocon protecteur. Peut-être se détendra-t-il. Peut-être arrivera-t-il de nouveau à respirer.
Peut-être survivra-t-il un peu plus longtemps à ses tourments.
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Timothy L. Carrington
Timothy L. Carrington

Erre ici depuis : 20/07/2014
Âge : 27 ans
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Occupation : Pianiste & compositeur
DC : Emrik & Eija.

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MessageSujet: Re: Is there anybody out there ? — Lyov   Is there anybody out there ? — Lyov EmptyDim 17 Aoû - 16:19

Est-ce qu’on avait déjà aidé Tim à se relever par le passé ? Non, ce n’était certainement pas arrivé. Ou sans doute pas assez fréquemment pour que le souvenir puisse imprégner sa chair et lui redonner confiance en l’humanité. Sa peau fragile ne parvenait pas à se remémorer de tels instants car les mains des autres n’étaient pas faites pour être aussi clémentes avec lui. On s’était contenté de passer à côté de lui dans les couloirs de l’Université de Cambridge quand le monde commençait à tourner trop vite et que la foule menaçait de se resserrer autour de son petit corps frêle pour le happer, sans même remarquer qu’il était bel et bien là, qu’il se battait encore pour exister, pour respirer, sa poitrine se soulevant désespérément pour tenter de survivre dans cette jungle. Le dos plaqué contre le mur, il serrait ses bouquins contre son coeur afin d’amoindrir le son tonitruant que produisait ce dernier, se laissant finalement glisser jusque sur le sol froid des grandes artères de l’établissement de prestige. Le monde circulait, tournait, virevoltait, pressait même parfois le pas, mais Timothy restait immobile, à l’étroit, recroquevillé dans un coin, priant pour que toutes ces âmes finissent par se disperser dans leurs salles de classe respectives pour qu’il puisse enfin se relever et mettre un pied devant l’autre. Il refusait de rater les cours et de rester allongé au fin fond de son lit pour se morfondre. Non, le pianiste en herbe voulait y arriver, coute que coute, et personne ne lui avait jamais proposé de l’aide. Il était l’étudiant muet, celui qu’on ne remarquait même pas, qui rougissait à la moindre question qu’on lui posait, qui faisait non de la tête sans chercher à comprendre de quoi il s’agissait avant de disparaitre presque dans un souffle.

Les paumes des autres n’étaient pas douces, pas tendres. Elles étaient trop plates, trop ouvertes vers le monde, vers lui, vers sa peau pâle et pure. Elles risquaient de le blesser, de claquer contre son corps, de marquer sa pauvre chair qui en avait déjà trop vu. Elles voulaient s’attarder sur son dos ou sur son torse, comme dans ses cauchemars les plus terribles, ceux qui le ramenaient au moins dix ans en arrière et qui le réveillaient en sursaut au coeur de la nuit noire, haletant et pantelant, des gouttes de sueurs froides perlant sur ses tempes aux boucles blondes. Les mains que Timothy avait connu dans sa vie ne s’étaient jamais tendues vers lui, ne lui avaient pas proposé d’aide et ne l’avaient encore moins extirpé de la terreur quand tout semblait perdu. Elles s’étaient posées sur lui, arrachant ce qu’il possédait de plus cher, lui prenant sa dignité de la manière la plus douce mais la plus nauséabonde qui soit. Timothy aurait pu vomir rien qu’en songeant à ces mains-là, celles qui s’aventuraient à des endroits où les siennes n’osaient même pas se rendre. La moindre caresse était un supplice, une vive brulure qui lui retournait les boyaux et lui donnait envie de périr, de laisser ces doigts chauffés au fer rouge déchirer sa peau pour que son sang le quitte lentement, tellement lentement qu’il aurait pu y trouver une sorte de soulagement, une sensation d’apaisement bien trop extrême pour qu’elle puisse être décrite. Les mains des autres étaient des armes, des couteaux acérés qui ne s’étaient jamais enfoncés assez profondément dans sa chair pour lui offrir une véritable fin, qui s’étaient contentés de l’effleurer pour qu’il vive constamment avec cette peur, cette crainte, cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. Timothy n’avait pas de marques ni de cicatrices et sa peau semblait intacte, aussi pure et douce qu’au premier jour. Mais il n’en était rien. Elle était salie, souillée, dévastée, un champs de bataille à l’abandon après que les soldats, après que le soldat, l’immonde adversaire qui n’aurait pas pu rêver de plus innocente victime à persécuter, ait décidé de prendre la fuite et de laisser le cadavre encore chaud de Timothy à la merci d’autres vautours encore plus affamés. Personne ne pouvait voir qu’on avait essayé de l’enterrer, de le réduire en cendres tandis qu’il était encore éveillé, les yeux ouverts sur l’atrocité de ce monde auquel il refusait d’appartenir. On ne pouvait plus constater le contact de la peau d’un autre homme sur son corps à présent. À part dans ses yeux, dans sa façon de se tenir. À part dans son silence, seul discours qu’il avait à offrir après la honte, après l’horreur.

Mais Timothy avait saisi les mains de Lyov. Leurs regards s’étaient bercés et le barman avait secouru le pianiste, faisant quelques pas vers la route pour qu’ils repartent ensemble. Et le contact ressemblait à un souffle, une brise fraiche sur son corps embrasé par la folie d’un autre, un fou, un criminel de la pire espèce. Tim avait peur, bien sûr que son coeur ne parvenait toujours pas à ralentir sa course, que chaque pas se faisait en silence, sa paume libérée trouvant rapidement sa joue lorsqu’ils avançaient enfin vers la demeure de Lyov, essuyant ainsi les dernières rescapées qui roulaient le long de ses joues. Il pouvait sentir le bout des doigts de l’autre homme vers son poignet, ne sachant plus vraiment s’il avait alors envie de mettre son bras hors d’atteinte, ou si au contraire, il souhaitait à ton prix prolonger cet instant parce qu’il avait besoin d’être soutenu, de sentir qu’il avait le droit de faillir et de plier à nouveau les genoux, de se souvenir que Lyov serait là pour le rattraper au vol et le maintenir en équilibre à la surface de l’eau s'il flanchait de nouveau. Timothy continuer donc de se diriger vers l’inconnu en compagnie de cet homme dont il ne connaissait finalement pas grand chose. Était-il devenu fou ? Son regard se posa sur Lyov, détaillant son profil, cherchant chez lui la moindre preuve extérieure qui saurait le rassurer sur ses intentions, luttant pour chasser les scénarios les plus affreux de son esprit, le doute persistant malgré lui.

Les deux hommes étaient finalement arrivés face à la maison, sur la terrasse, la baie vitrée leur faisant face, Lyov faisant coulisser la porte pour éclairer l’intérieur de la demeure, se tournant vers Timothy, ses yeux bleus rencontrant ceux du musicien, le silence régnant toujours en maître. Timothy avait le choix. On ne lui forçait pas la main en lui posant une véritable question qui exigeait de lui une réponse claire et bien audible. On ne l’incitait pas d’une quelconque manière, on ne se permettait pas de le pousser là où il ne voulait pas se rendre. Lyov avait sans doute compris que le jeune homme vivait les paroles des autres comme de véritables agressions, le souvenir verbalisé de la violence qu’il avait subit durant tant d’années aussitôt ravivé par les propos qui parvenaient jusqu'à son oreille. Ou peut-être qu’il le respectait simplement suffisamment pour ne pas le brusquer, pour ne pas le pousser dans ses retranchements alors qu’il l’avait tout juste aidé à se sortir de l’enfer dans lequel il s’était enfermé par ses propres moyens, ses pensées le persécutant sans l’aide de personne. Ainsi, Timothy avait le choix. Si la peur n’avait pas été plus forte que tout le reste, il aurait sans doute versé une larme supplémentaire face à la bonté du barman, à sa façon de lui faire comprendre qu’il disposait de plusieurs options et qu’il était le seul maitre à bord. Entrer ici ou partir. Peu habitué à devoir laisser parler son coeur plutôt que d’écouter ce que ceux des autres pouvaient lui imposer, le pianiste semblait soudainement déboussolé. Il observa l’intérieur dans un premier temps, figé devant la baie vitrée, ses yeux clairs s’égarant sur le moindre détail, repérant des objets avec lesquels il pourrait sans doute se défendre si les choses dégénéraient et s’il réalisait un peu trop tard qu’il avait encore fait confiance à la mauvaise personne. Évidemment, c’était aberrant et exagéré, mais Timothy ne pouvait se résoudre à raisonner différemment compte tenu des pièges que la vie lui avait autrefois tendu et dont il n’était jamais parvenu à guérir. Il prit ensuite le temps de se retourner, son regard posé sur le rideau foncé que la nuit avait revêtu, cherchant sans doute une réponse ou une solution parmi les étoiles. Entrer ici ou partir. Dans l’espace confiné de son crâne, son monologue avait repris, ses interrogations dirigées vers le souvenir de son père qui planait quelque part au-dessus de lui pour veiller sur le moindre de ses faits et gestes. Serait-il encore là demain si Timothy prenait le risque de s’abriter chez Lyov en attendant d’être en état de regagner son propre toit ? Cela ne faisait pas le moindre doute, mais Tim s'en inquiétait tout de même, jugeant qu’il ne pouvait pas véritablement savoir puisque son père n’était pas là, qu’il ne l’avait jamais vraiment été, que seule la pensée d’Holden avait continué d’exister au fur et à mesure que le temps s’écoulait. Le reste n’était que songe, que pure invention et Tim aurait voulu avoir la certitude que la voix qu’il entendait était pourtant bien réelle. Jamais il ne l'obtiendrait.

De longues minutes s’écoulèrent avant que Timothy ne décide de faire volte-face, prenant une grande inspiration pour contrôler les battements de son coeur qui n’en faisait qu’à sa tête et lui mettait ainsi l’estomac dans les talons. Ses doigts s’entremêlaient, se tordant dans tous les sens, témoignant une certaine angoisse à l’idée de faire ce pas en avant, ce bon vers Lyov, ce saut vers l’inconnu. Après tout, il était à Dödskalle pour attendre la mort, il aurait plutôt du être en train de se réjouir à l'idée qu'elle finisse par arriver plus vite que prévu, pas vrai ? Il soupira, réalisant qu’il réfléchissait de travers et qu’il devait apprendre à affronter ses craintes, sans quoi ses peurs finiraient par provoquer sa perte. La nuit noire était trop effrayante de toute manière, et après s’être rassuré en boucle dans sa tête, Timothy entra dans la maison, marchant dans les pas de Lyov et le rejoignant dans la cuisine, ses joues se teintant d’un rouge vif tandis qu’il allait à la rencontre du barman. Les lèvres de Tim s’étirèrent en un fin sourire quand il aperçut un bar en bois, ses mains s’égarant alors sur le comptoir comme si ce dernier lui était familier. Finalement, l’esprit du Den Räknare ne semblait pas si loin que cela, et le poids sur les épaules du musicien s’évapora doucement pour le laisser respirer. Hésitant, Timothy posa ses mains sur un tabouret qui se trouvait justement là, ne sachant pas s’il avait véritablement l’autorisation de s’asseoir. Mais après tout, s’il agissait comme s’ils étaient au bar, tout se passerait pour le mieux, n’est-ce pas ?

Les yeux encore rouges, Tim n’eut aucun mal à s’asseoir, le coeur toujours battant mais bien plus léger que d’ordinaire, un éclat différent illuminant les traits fins de son visage.
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MessageSujet: Re: Is there anybody out there ? — Lyov   Is there anybody out there ? — Lyov EmptyJeu 21 Aoû - 2:43

Lyov resta en retrait, à la fois respectueux des craintes du jeune homme, et encore sous le choc qu’il ait fait le choix d’aller de l’avant. Dans tous les sens du terme. Son esprit était resté bloqué sur le balai contorsionniste des longs doigts du pianiste, se mêlant et se tordant au rythme effréné de son cœur, représentation corporelle de sa psyché en proie aux doutes et à la lutte.
Pourtant, malgré ses peurs et ses traumas, malgré les fantômes qui hantaient son regard, y cherchant à chasser la moindre étincelle de vie, il était entré. Il avait fait confiance. A moins qu’il n’ait été désespéré?
Lyov ne veut pas y songer. Ses doutes le tourmentent un instant, puis sont balayés par le sourire timide du jeune homme, la caresse de ses doigts calmés sur le bois du bar. Il observe ses joues rouges, ses traits se détendant petit à petit, sa cage thoracique qui semble se souvenir de nouveau comment respirer… Il ressent. Il ressent son sourire, la candeur qu’il dégage. Cette vague de chaleur humaine le transporte comme un tsunami, une vague puissante qui noie ses doutes et ses incertitudes, le soulevant, l’emportant, lui, sans la moindre violence, par la force de ce bourgeon de vie qui avait su trouver le chemin de la lumière, hors de la terre moite, étouffante, qui avait trop longtemps tenté de l’asphyxier.
Tim semblait avoir été enterré vivant, et chaque doigt qu’il tendait vers la surface, grattant un peu la terre sombre et peu fertile, était une victoire aux yeux de Lyov.
Celle-ci était d’autant plus belle qu’ils la partageaient tous deux.
Le russe n’était pas au bout de ses surprises, et se sentit vaciller lorsque le jeune homme prit place.
Il s’était assis. Simplement assis.
C’était énorme.
Et le début d’apaisement qui se lisait sur son visage manqua de le faire sourire béatement tout en pleurant de joie.
Il ne savait pas pourquoi ses émotions étaient tellement décuplées, tellement puissantes. Pourquoi il était si épuisé, les nerfs à vifs. Pourquoi l’aura du garçon le touchait tant, l’irradiant de toute part, modifiant sa chaire, ses pensées, ses sentiments, jusqu’à la structure même de son âme.
Les souffrances de Tim étaient radioactives, et il était un foutu compteur Geiger.
Pendant un instant, il se demanda s’il voulait sauver son fils, par procuration, se sauver lui-même, ou sauver simplement le gamin, devant lui. Le jeune homme, la tête blonde, les yeux clairs de l’innocence qui n’avaient pas encore été complètement pris dans les glaces de la monstruosité humaine. Qui n’y avaient pas cédé.
Bien sûr, il avait toujours voulu donner aux autre la vie qu’il n’avait pas eu.
Bien sûr, il espérait que quelqu’un s’acharnait à sauver son Alek, comme lui s’acharnait à sauver Tim.
Mais c’était lui. C’était Tim. Sur cette chaise. Dans son bar. Près d’un cimetière.
C’était le jeune homme. C’était l’unique belle partie de l’humanité, qu’il tentait de sauver de l’humanité elle-même.
Lyov ignorait ce que le jeune homme avait vécu, mais il voyait les ravages dans son regard. Dans ses gestes. Dans ses peurs.
Pourtant, dans ses yeux, dans son sourire, dans ce même langage corporel qui pouvaient témoigner de tant de souffrances, en un instant, pouvaient se manifester toute la candeur du monde. Cette joie dont il avait tant manquée. Ce regard d’enfant qui découvre le monde, n’en voyant, pendant un court moment, seulement la beauté.
Ce qu’il voit, en Tim, c’est plus que son fils. C’est plus que l’individu lui-même. C’est ce qu’aurait dû être l’humanité. C’est ce qu’aurait dû être l’Enfant, puis l’Homme. Cette bonté, cette douceur, cette générosité à toute épreuve.
C’était l’étincelle de vie qui subsistait dans la noirceur, chahutée au gré des vagues et des tourments de l’existence, c’était le feu follet éploré qui se frayait un chemin à travers les tombes des vivants. L’enfant survivant qui se faufilait sur les champs de batailles, incertain d’où il mettait les pieds, de qui étaient de son côté, de comment tout cela allait se terminer. Si cela allait cesser. L’enfant dommage collatéral, ou victime de circonstance parfaitement choisie.
Il se revoit, des années au par avant. Il se revoit gamin. Il se revoit adolescent. Puis à l’âge de Tim.
Il se revoit, et il n’a rien à voir.
Lui, lui était l’étincelle de mort. Lui était le fantôme des camps. Le goût du sang et de la cendre, de la poussière et du charbon. Lui, il était l’odeur des cadavres dont la décomposition était ralentie par la glace. Lui, était le parfum de la poudre et de la chaire brûlée. De la maladie et de la faim. Il n’en était pas simplement imprégné. C’était lui. C’était lui qui la dégageait. C’était lui qui semait la mort, partout où il mettait les pieds. Elle ne lui collait pas simplement aux basques. Pas à ses petits pieds nus plein d’engelures. Non, elle était ses chausses, ses habits rapiécés. Elle était sa peau, son sang infecté. Empoisonné par la nature humaine.
Il était la haine. La rage, bouillonnante au fond des tripes. Il était la violence à l’état brute, bestiale. Le craquement des os, les jointures en poudre. Le squelette brisé anesthésié par la neige. La peur au fond des talons qui aspire ses boyaux, son cœur qui fait le yoyo.
Oh, il n’y avait jamais eu la moindre candeur dans son regard d’acier. Pas la moindre innocence dans ses yeux glaciers.
Il n’y avait pas eu le moindre sourire timide. Pas eu d’éclat de joie, de vie, dans le soubresaut de ses pupilles, dans les traits de son visage, dans le moindre fichu geste.
Il n’y avait eu que le néant. Le néant qui l’avait happé et enfanté à la fois. Le trou noir viscéral qui aspirait la moindre particule à proximité de lui, se nourrissant de l’obscurité et de la froideur des âmes, à défaut de pouvoir détruire la vie et la chaleur humaine.
Il n’y avait eu, dans son corps d’enfant, qu’un gouffre boulimique dans lequel il s’était jeté, laissé glisser, observant sa chute avec un intérêt presque scientifique, avant de se délecter, quelques années après, de sa destination.
Dieux qu’il avait adulé cette violence. Dieux de haine, de vices, et de noirceur…qu’il avait aimé cette haine, cette colère destructrice, cette puissance monstrueuse. Cette puissance de monstruosité.
Il l’avait caressée dans l’ombre qui les bordait, il lui avait fait l’amour dans ses prisons glacées. Dans un coin d’une cage humide, contre un barreau gelé. La cage de son esprit.
Il l’avait simplement possédé, fait sienne, se l’était appropriée, puisqu’il ignorait tout de l’amour. Qu’il n’était qu’un passionné détaché. Un glacial brasier. Une énigme dans un paradoxe.
Il était le fruit de la faiblesse et du monstre, de la haine et du dégoût. Il était l’enfant de la violence et de la nuit. Des nuits blanches et des jours noirs.
Et il avait cédé à leurs tentatives incestueuses, puisqu’il les avait fait siennes.

La bile lui monte à la gorge alors qu’il regarde Tim.
Il cherche à comprendre la différence. A savoir pourquoi leurs cheminements respectifs étaient tellement différents. Il cherche à comprendre pourquoi le petit Tim, qui semble si faible, est tellement plus fort que lui. Pourquoi il n’a pas cédé au cercle vicieux de la haine.
Lyov voit son reflet dans les baies vitrées. Il voit son corps puissant, sa carrure d’athlète, de combattant. Il voit son regard de trop plein de vécus, et la dureté dans la contraction de ses maxillaires. Il voit le mâle alpha, le dominant, le fort.
Il voit les grandes lignes de son histoire sur sa peau frappée d’encre noir.
Et pourtant, il voit aussi derrière ça. Derrière les apparences. Il voit au fond de lui. Il voit la faiblesse de son esprit qui a été martelé et forgé pour faire de lui cette enveloppe charnelle de soldat, cette bête de compétition, cette élite de la violence, cette crème de la crème. Une crème rouge sang.
Il voit l’anéantissement d’un être qui n’a jamais vu le jour. Il voit l’avortement de son esprit, de son amour propre, de sa conscience. Il voit l’absence d’identité, l’absence d’existence. Il voit le néant, encore une fois. Ce néant qui l’a accueilli, et qu’il a choisi.
Il voit le prix de ses erreurs, le chemin pavé de ses choix. Une route en enfer, sans départ ni destination. Il tourne en rond comme l’ouroboros se mord la queue, et le poison s’insinue partout dans ses veines.

Lyov sent la rage, monter en lui. Destructrice, puissante, le transportant vers l’immensité du ciel, vers le couvercle de ténèbres qui les enferment. Il sent le feu combattif, le brasier de l’enfer dont la fumée l’emmène, élève son esprit vers le noyau du monde, vers les dieux vicieux et belliqueux qui ont fait de lui leur messager.
Il veut protéger l’enfant, il veut protéger la parcelle d’humanité la moins humaine qu’il connaisse. Il veut la sauver du monde dans lequel elle est apparue, un monde qui a déjà trop tenté de la broyer.
Il veut protéger cette espèce rare, cette petite plante fragile au milieu d’une forêt ravagée par les flammes.
Il veut protéger Tim pour Tim.
Il veut le protéger pour le reste du monde.
Pour que l’enfant devienne un homme. Pour qu’il puisse s’élever et exprimer, comme il le pourrait, ce que personne d’autre ne pourrait se targuer de dire : « Regardez. Regardez. Regardez d’où je viens, et regardez ce que j’ai fait. Pas un pas de travers. A quel moment ais-je failli? A quel moment ais-je blessé la chaire d’autrui plutôt que la mienne? A quel moment me suis-je choisi, plutôt que l’autre? Regardez. Regardez ce que vous m’avez fait. Et regardez ce que je suis devenu. Regardez comment on peut vivre, et comment vous avez tous fait le choix d’essayer d’anéantir cette façon d’être, parce qu’il est plus simple de se battre contre les autres que contre soi-même. Regardez. Et voyez comme je tiens debout. Comme vous ne me blessez pas. Comme je suis inatteignable. Regardez votre échec, et la nouvelle définition que j’offre au terme humanité. »
Il veut sauver l’enfant, pour tous ceux qu’il a détruit lui-même.
Il veut sauver l’enfant pour leur montrer à tous.
Pour se montrer à lui-même.
Mais surtout, pour montrer à Tim. L’étendue de sa force. L’infinie de ses possibilités.
Que s’il le voulait, rien ne pourrait l’arrêter.
Alors Lyov tiendra ses mains en coupe autour du jeune homme, pour ne jamais à voir les lèvres glaciales du monstre souffler la flammèche d’espoir qui frémit, frileuse, dans la poitrine de Tim.
Lyov se promet, se rendant compte de l’ampleur de ce que cela implique. Des dangers, des accidents, si vite arrivés. De l’omniprésence du mal.
Allaient-ils y arriver? Pourrait-il encaisser suffisamment pour ménager au mieux cette force de la nature en construction? Pourrait-il encore servir un peu à quelque chose? Vendre sa carcasse douloureuse comme bouclier au jeune homme? Parce que malgré tout il est conscient de la difficulté de la tâche. Lui il sait, que malgré tout le jeune homme ne s’en remettra pas facilement. Lui il sait, qu’il ne pourrait avoir aucun impact si le reste du monde était déjà mort noyé dans l’océan de noirceur. Lui sent, la pourriture de l’humanité s’infiltrer partout. Le monde, les villes, les Hommes.
Personne n’a jamais été épargné.
Tim doit l’être.
La peur lui cisaille les tripes.
Ca va passer.
Ca passe toujours.
Ca revient toujours.

La réalité de la scène se rappelle à lui peu à peu, et le russe décide de prendre les choses en main. De se tenir aux décisions prises en l’espace d’une fraction de seconde. Que ça ait à lui couter sa vie ou non. Qu’il aille jusqu’à se détruire complètement pour servir sa noble cause ou pas. Lyov est prêt à replonger dans les pires abimes de l’enfer qu’il n’a jamais quitté pour protéger le jeune homme. Et il se fiche de pouvoir ne pas en revenir.
Il s’agit simplement de l’épargner au maximum.
Alors il lui tend une main désarmée. Il lui tend d’autres armes aiguisées.
Un bloc et des crayons.
Son moyen de communiquer.
Il les dépose sur le bar et les fait glisser vers lui, naturellement.
Lyov se déplace lentement, pour que le jeune homme, déjà dépaysé, ne soit pas surpris, et évite tout geste vif à sa proximité.

-Tu veux boire quelque chose? Manger? Il ne fait pas très chaud…Tu veux quelque chose à te mettre sur le dos?

Sa voix semble métallique dans l’étrange silence de cette situation jamais vue. Une intonation qui pourrait s’apparenter à de la gène. Mais Lyov sait qu‘il n‘en est rien. Pour lui, chaque mot semble marteler le début d’une déclaration de guerre. Ils résonnent dans le gouffre qui les attend, l’abysse dévoreur dont le rire d’échos évoque l’ampleur du précipice. Lyov sent l’odeur de la guerre, du souffre, du métal fumant et de la poussière.
Il sent la peur qui emplit la pièce. Sa propre peur.
Et en un instant, le goût du sang dans sa bouche le rassure. Ces sensations inhérentes à sa personne le ramènent en terrain connu.
Il est la mort, il est la guerre.
Et il sait, au fond de lui, que pour parer à celle qui s’annonce, le gamin ne peut être en de meilleures mains.
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Timothy L. Carrington
Timothy L. Carrington

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MessageSujet: Re: Is there anybody out there ? — Lyov   Is there anybody out there ? — Lyov EmptyLun 1 Sep - 22:42

Timothy aurait pu devenir un monstre. Après tout, c’était humain. Oui, le pianiste aurait pu avoir le sang d’un autre sur ses mains, sur le bout de ses ongles comme un peu de peinture qu’on serait venu mettre là pour habiller ses longs doigts pâles et fins. Un peu de pourpre sur sa peau pure et douce qu’il aurait frotté doucement entre ses paumes, qu’il aurait pu avoir envie de gouter tel l’animal affamé qui venait tout juste d’égorger sa proie dont le cadavre était encore chaud et frémissant. Timothy aurait pu avoir le regard haineux et maudire le reste de l’humanité, la terre entière. Ou simplement les hommes, ses semblables. Ceux qui jugeaient que tout leur appartenait. La veuve, l’orphelin. La femme et l’enfant. Ceux qui se les appropriaient, qui n’en faisaient qu’une bouchée. Ils étaient les prédateurs et Timothy aurait du être le chasseur venu rétablir l’ordre des choses, abattant ses proies sans aucun scrupule ni remords, la main calme et immobile, impatiente de venir arracher le coeur encore tiède et battant de celui qui se trouvait enfin à terre. Timothy aurait pu avoir le courage de se relever pour traquer son oncle, pour le poursuivre jusque dans les recoins les plus ténébreux de l’enfer, le hanter à son tour pour empoisonner sa vie de la même façon qu'il avait pu pourrir la sienne. Il y avait souvent songé au creux de ses rêves les plus intimes, les mêmes qui lui laissaient un gout amer dans le fond de la gorge et qui faisaient rouler la sueur sur ses tempes glacées par l'effroi. Il aurait pu se tenir là, face à cet autre monstre, le doigt prêt à appuyer sur la détente, le canon du pistolet collé contre le front de son bourreau. Timothy aurait pu lui ôter la vie après que ce dernier ait décidé de lui arraché son innocence, de lui voler sa dignité, de s’approprier son corps de la manière la plus vicieuse et perverse qui soit. Timothy aurait pu parler entre ses dents, le coeur battant au point de sentir son pouls pulser dans le creux de sa main, sa main toujours impassible, aussi dure et froide que son propre regard qui s’enfonçait profondément dans les chairs de sa victime. C’était le juste retour des choses, la solution évidente, la preuve qu’il n’avait rien reçu d’autre en héritage à part l’horreur qui circulait dans ses veines et qui le rendait fou au point de lui conférer cette force. Timothy aurait pu ôter la vie de son oncle aussi facilement qu’on peut appuyer sur un interrupteur, du bout du doigt, avant de regarder le corps inerte s’effondrer sur le parquet grinçant, le sang coulant en un flot ininterrompu et se répandant sur le sol pour venir former une immense mare, un lac pourpre dans lequel il serait venu se mirer l’espace d’une fraction de seconde pour s’assurer que tout était bien réel, que cet homme était bien mort, qu’il n’avait plus aucune raison de venir occuper ses rêves, de tourmenter ses nuits. Timothy aurait pu être libre de marcher sans avoir peur de sentir le souffle de ce criminel dans son cou, sans vérifier que la porte de sa chambre était verrouillée à clé à chaque fois qu’il osait regagner son lit pour tenter de se reposer. Mais le jeune homme ne pouvait plus fermer les yeux, chaque seconde dans le noir étant atrocement insoutenable, aussi aveuglante que terrifiante, un cauchemar qu’il faisait parfois même les yeux grands ouverts. Voilà comment vivait Timothy. Dans la peur qu’il soit de retour, à chaque coin de rue, qu’il tente de l’apercevoir, qu’il essaie de lui parler, que sa main se pose à nouveau sur son corps faible et fragile, qu’elle dérive, qu’elle s’affole et s’enflamme pour chauffer la peau de Timothy au fer rouge, pour qu’elle le marque à nouveau de milliers de souvenirs indolores qui lui donnaient pourtant l’impression d’asphyxier. Quand il avait essayé de parler, ne serait-ce qu’une seule fois afin que la vérité lui échappe l’espace d’une fraction de seconde et que ses épaules fébriles ne croulent plus sous ce poids insoutenable ; quand il avait tenté de se faire entendre, les mots étaient venus d’eux-mêmes comme une cascade, une fontaine de mots qui s’étaient éparpillés dans les airs avant de retomber tout autour de lui. Un lac, comme du sang, comme des mares qui lui tachaient déjà les bras, qui venaient rouvrir toutes les plaies que personne ne pouvait voir mais qu’il pouvait sentir à chaque pas, à chaque inspiration. Timothy leur avait dit, il avait pris son temps pour leur faire comprendre ce qui lui était arrivé, pour expliquer que son corps ne lui appartenait plus, que cette masse informe de cellules et de peaux mortes qui le composait n’avait plus aucune valeur, qu’on lui avait ôté son innocence et sa pureté et pour se rassurer, il s’était d’abord dit que cela devait être normal, que tous les petits garçons du monde ne parlaient pas plus que lui, que leurs lits devaient accueillir d’autres hommes plus forts et plus grands, et qu’il n’y avait rien à dire ou faire, simplement attendre. Attendre que le temps passe et qu’il sèche les larmes de sang. Attendre qu’elle referme les blessures et les panse. Attendre que le monde puisse remarquer les marques qui n’existaient pourtant pas. Timothy aurait voulu pouvoir tirer les manches de ses vêtements pour qu’ils puissent voir, qu’ils puissent constater ce qu’on lui avait fait subir. Il aurait pu supplier des heures durant pour que l’autre homme devienne suffisamment fou pour laisser d’immenses entailles derrière lui, qu’il ait la brillante idée de parfaire son travail en griffant le corps de Timothy jusqu’à que sa peau s’ouvre et qu’il se mette à saigner, pour qu’au petit matin Timothy puisse brandir ses balafres en hurlant qu’il n’inventait rien, qu’il ne mentait pas, que ses mots étaient justes et qu’ils punissaient les actes dont il avait été la victime. La victime. Pas l’enfant, non. Pas l’adulte, ni même encore l’homme. Pas l’humain non plus, pas même le monstre qui aurait pu décider de se venger. Non. Timothy avait attendu. Attendre, toujours attendre. D’être un peu plus vieux pour avoir la même rage, la même rancoeur au fond des tripes. Pour devenir un bourreau lui aussi et venir planter des couteaux dans la gorge de celui qui l’avait humilié. Il aurait pu le voir supplier de lui laisser la vie sauve tandis qu’il se chargeait de planter les lames aiguisées dans les entrailles brûlantes de celui qu’il se ferait un plaisir de pouvoir exécuter à nouveau une fois qu’il l’aurait rejoint en enfer. Mais non. Timothy n’était pas devenu cela non plus. Il n’avait pas eu la chance de devenir ce monstre. C’était trop évident. Trop attendu. Trop facile. Au lieu de cela ses doigts s’étaient mis à trembler et il avait tenté de les calmer en poussant quelques touches, des blanches puis des noires, combattant du mieux qu’il le pouvait avec les armes qu’il avait sous la main. Pas de gâchette ni de crosse. Pas de bout-portant ou même encore de détente. Non. Timothy n’était pas tout ça. Il était la victime. La victime.

Auprès de Lyov, le musicien ne se sentait pas plus puissant, pas plus prompt à déclarer la guerre et à partir à la recherche de celui qu’il rêvait de pouvoir anéantir en sachant pertinemment qu’il n’en aurait jamais le courage ni la force. Timothy était toujours aussi intimidé, mal à l’aise, craignant le moindre mouvement inattendu de la part de son hôte ou bien un revirement de situation, une perte de contrôle qui le pousserait à commettre l’irréparable. Mais aussi effrayant que cela puisse paraitre et même si Tim redoutait que cela ne se reproduise un jour sans son consentement, il savait à présent qu’il pourrait survivre. C’était terrible et affreux d’en arriver à se dire qu’il avait été suffisamment souillé pour réaliser que rien de pire ne pourrait lui arriver après cela, pas même la démence d’un autre monstre, mais après tout, on ne l’avait habitué à rien d’autre. Fort heureusement, le jeune homme ne voyait pas cet éclat de folie dans le regard du barman, bien au contraire. Il y retrouvait plutôt la flamme scintillante de l’espoir qui s’était éteint au fond de lui depuis bien des années, il revoyait la douceur de son propre père comme s’il se tenait devant lui. Holden n’avait définitivement pas les mêmes traits que Lyov, les deux hommes étant totalement opposés l’un à l’autre, mais Tim ne pouvait pas nier l’effrayante similitude pour autant, et cette simple pensée le fit sourire une fois de plus, ses yeux se tournant vers le propriétaire du bar de la ville, se posant ensuite sur le bloc-note et les crayons qu’il faisait glisser jusqu’à lui. Pour Timothy, le geste semblait trop beau, presque trop parfait. Lyov lui donnait l’occasion de s’exprimer. Encore mieux que ça, il lui donnait tous les outils pour le mettre à l’aise afin qu’ils puissent communiquer dans les meilleures conditions. Et même s’il n’ouvrait pas encore la bouche, au moins Timothy savait qu’il serait écouté.

Apaisé à l’idée de ne pas avoir à craindre une véritable conversation, Timothy récupéra bien vite un crayon, se mettant à dessiner de petits cercles dans un coin du bloc-note comme il avait l’habitude de le faire à chaque fois que l’espace entre ses doigts était occupé par un stylo. Relevant la tête vers Lyov, il prit le temps de réfléchir à la question que le barman venait de lui poser ; il n’y avait pas vraiment de piège, mais encore un peu secoué par toutes les émotions qui l’avaient animé pendant les dix dernières minutes, Timothy avait tout de même besoin de faire le point le temps de quelques secondes afin de savoir avec précision ce dont il avait véritablement besoin à cet instant. Quand il fut sûr de lui, il se pencha, griffonnant deux mots à la hâte, s’appliquant tout de même pour ne pas que son écriture fantasque d’artiste ne soit trop illisible.

Thé. Couverture.

Il tourna le bloc-notes vers Lyov, s’assurant au passage de bien avoir orthographié les mots suédois. Décrochant le post-it, il s’empressa d’en noircir un deuxième pour lui montrer.

Pas faim, merci.

Après tout ce qui venait de se produire, son réveil dans le cimetière suivit de la peur panique qui s’était emparée de lui tandis qu’il essayait de retrouver son chemin, puis l’arrivée de Lyov et le retour jusque chez lui, l'estomac de Timothy était tout retourné. Et il n’était de toute façon pas assez confiant pour daigner se mettre quoi que ce soit de comestible sous la dent.

Le jeune homme étouffa un rire en se disant qu’il devait être ridicule avec son bloc-note et qu’il allait certainement passer pour plus impoli qu’il ne l’était véritablement à ne rien écrire d’autre que de simples mots isolés, comme des ordres. Comme un monstre. Un bourreau. Mais cela ne lui ressemblait pas. Non, Timothy était la victime. La victime.

Merci pour tout.
Tu bois quelque chose ?
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MessageSujet: Re: Is there anybody out there ? — Lyov   Is there anybody out there ? — Lyov EmptyMer 3 Sep - 1:20

Il n’a pas eu tellement à attendre la réponse du blond. L’autre s’est emparé assez rapidement du bloc de post-it, comme un peu plus soulagé par l’apparition, petit à petit, de ses points de repères habituels.
Lyov s’est surpris à rester en retrait, le cœur gonflé par le souffle de chaleur humaine que le nouveau sourire du jeune homme déclenche, une légère douleur au fond de l’estomac, semblable à de la nostalgie. Semblable à du bonheur. Une douleur qu’il tient à garder vivace, comme la brûlure d’une flammèche d’espoir dans l’obscurité. Il s’y agrippe, s’y attache, la cajole un instant, l’effleure. De peur de trop l’apaiser. De peur de la sentir disparaître. Cette douleur qui fait du bien.
Voir le sourire si innocent de Tim le ramène brutalement des années en arrière. La vision d’une jeune femme retenue en otage par des talibans s’impose à son esprit. Son sauvetage. Son regard de panthère affamée, cette soif de survivre, de vivre. Mais pas la moindre haine, non. Pas la moindre mauvaise pensée, alors qu’il l’aidait à se relever, alors qu’il détachait ses poignets. Pas le moindre mot de travers, alors que des heures après, il inscrivait minutieusement sa version des faits, à l’abris, dans un camp allié. « Vous ne les haïssez pas pour ce qu’ils vous ont fait. » avait-il murmuré. « Je suis lasse de haïr. Fatiguée de me battre. Epuisée. Ils ont suffisamment pris de moi je ne vais pas leur donner l’énergie qu’il me reste. Je ne vais pas la perdre dans un passé sur lequel je ne peux plus agir. Je veux la focaliser sur l’avenir. Un avenir que je peux bâtir. » Lyov avait plissé les yeux et un autre homme était intervenu « Ca fait quelques heures à peine que vous êtes physiquement sortis de cet enfer. Il serait normal que vous ayez besoin de temps…après tout ce dont vous avez été victime… » Il s’était mordu la lèvre. Le mot avait été peut-être mal choisi. Il avait été parfaitement bien choisi. « Je ne suis pas une victime. Non. Ne me coupez pas. Vous avez raison. J’ai été victime de. Ce serait me manquer de respect que de le renier. Les gens disent constamment « tu n’es pas une victime » parce qu’ils savent que ce mot dérange, mais ils ignorent pourquoi. Ils ignorent la cause. Ils pense que ça nous rappelle notre faiblesse, que ça nous renvoie à notre impuissance, notre perte de contrôle. Ils se disent que si on a été victime, c’est que les autres ont fait ce qu’ils voulaient de nous, qu’ils nous ont dépossédés de nos corps, de nos esprits, et que nous le rappeler n’est pas une bonne idée. La vérité? La vérité c’est que non, nous n’avons à aucun moment été moins maître de notre corps. Moins entier. Moins humain. Moins nous même. Notre identité n’a pas été fragmentée, annihilée, détruite, même si c’est l’impression que nous en avons eu. Oui. Oui, nous n’avions pas le contrôle de la situation. Oui, nous avons été bloqués, entravés, privés de possibilités physiques, matérielles, pour nous en sortir. Mais nous avons été maître de nous même. Maître de nos ressentis. Maître de notre répulsion. Maître de nos pensées. Maître de notre âme. Maître de notre profonde identité. Non, nous ne sommes pas des victimes. Nous l’avons été. Nous avons été victime de. Mais refuser de dire « je suis une victime », c’est refuser d’en faire une identité. Refuser de faire du passé un présent. Refuser de le revivre en permanence. Il est là. Bien présent. Chaque matin lorsqu’on ouvre les yeux, chaque soir lorsqu’on se couche dans l’espoir d’une trêve. Dans l’espoir de l’oublier un peu. Il est là, et nous ne nierons pas les faits. Mais nous ne tolérerons pas qu’ils aient un impact continu sur nous. Nous ne tolérerons pas la peur, et l’impression de dégoût constant. Nous ne tolérerons pas de ne plus être victime, présentement, des individus et de la vie, pour être victime de ce qu’ils ont fait, à une époque. Dire « Je ne suis pas une victime », c’est d’une part, refuser que notre vie se résume à ces événements passés, refuser d’accorder à cette vie la satisfaction de nous voir prendre la relève et nous détruire un peu plus, la laissant s’assoir dans un coin pour nous regarder faire avec un sourire goguenard, et c’est refuser de devenir son instrument de destruction envers les autres. Envers soi-même, et envers les autres. C’est se rappeler que non, nous ne sommes pas des victimes. Nous sommes des êtres humains comme tous les autres. Nous sommes responsables de nos choix, de nos pensées. De nos actes. Notre vécu peut être une explication a bien des choses, mais jamais une excuse. Non, nous ne pouvons décider que les autres nous doivent quelque chose, pour ce que certains d’entre eux nous ont fait. Nous ne pouvons faire le choix de blesser autrui et s’en justifier par la phrase « oui, mais moi, j’ai vécu ça. Alors tu comprends… » Non. La vie n’épargne personne, on a tous été la victime de quelque chose, de quelqu’un. Et devenir bourreau de peur d’être victime de nouveau, c’est être encore une fois, victime de la vie, victime de ses conséquences, victime de nos pulsions, de nos faiblesses. Victime de nous même. C’est s’être fait écraser par l’engrenage pour en devenir un rouage. Je ne sais pas quel genre d’individus vous aspirez à être, mais pour ma part, je veux faire le choix de ne pas entrer dans ce cercle infernal. Dans ce jeu de bourreaux et de victimisation. Je veux faire le choix de traverser ça en limitant les impacts, les dégâts. Je veux faire le choix d’avoir été victime mais de n’en avoir créée aucune. Je veux faire le choix d’un présent qui ne soit pas le passage en boucle de mon passé. D’un avenir qui soit quelque chose de beau que je créée, et non de ravages censés être révolus, en copier coller. »
Lyov fixe Tim du regard, peut-être un peu plus longtemps qu’il l’aurait souhaité. Le jeune homme a déjà tendu le bloc vers lui. Pourtant, le russe n’arrive pas à bouger immédiatement. Le blond est encore une victime. Le blond a encore peur. A encore mal. Il sent les fêlures d’ici, le dégoût qu’il a pour lui-même et dont il ignore la cause. Tim est encore une victime, enfermé dans son passé, et Lyov se jure qu’il l’en sortira. Il se jure qu’il fera de lui un homme du présent, et de l’avenir. Un survivant. Un revenant. Un homme qui a traversé l’enfer pour en sortir, en laissant dans ses abysses monstrueuses les marques de sa morsure, de sa gueule acérée.
Être une victime fera partie du passé.
Le plus âgé finit par sortir de sa torpeur, de peur d’effrayer son invité, et s’approche du bloc que le jeune homme a glissé vers lui. Un pas de plus sur leur chemin commun, et le russe ne parvient pas à retenir un sourire franc, tremblotant.
Du thé?
Bon choix.
Lyov se dirige vers un grand placard et en sort une gigantesque boîte métallique qu’il dépose sur le bar. Il l’ouvre, dévoilant au regard du blond la multitude de boîtes de thé, d’origines, natures ou parfumés, blancs, noirs ou verts, qui y sont rangées avec précision.

-Vois ce qu’il peut te plaire. Fais ton choix. Je vais te chercher une couverture.

Avant qu’il puisse faire un pas de plus, le jeune homme a déjà tendu un nouveau post-it vers lui. De nouveau, le sourire de Lyov s’étire, faiblit, tremble, s’étire de nouveau. Franchement. Avec toute la chaleur humaine qu’il est capable d‘éprouver, tentant de lui faire ressentir ce que le jeune homme réveillait en lui, tentant de lui rendre tout ce qu’il lui apportait. Tentant d’arriver, au moins, à la cheville de son humanité.

-De rien, Tim. Tu es ici chez toi.

Cette phrase lui échappe, pourtant il ne la regrette pas. Elle est sortie naturellement. Elle a sa place, d’une certaine manière, dans cette situation étrange, dans cette relation particulière. Dans cette zone d’incertitude.
Il ne prend pas le temps d’observer sa réaction. Peut-être qu’il ne regrette pas, mais il est trop lâche pour s’attarder sur l’effet produit par sa déclaration. Il file dans le couloir, et chaque pas le menant hors de cette bulle parallèle semble s’alourdir. Il titube un peu, comme émergeant d’un coup de fatigue, se repassant la scène en boucle tout en se pressant, de peur de ne pas pouvoir revenir à cette nouvelle réalité. De peur de retrouver la cuisine vidée de toute présence. De toute marque d’un quelconque passage humain. Peur de retrouver le néant de son âme, lui souriant à pleine dent, des dents acérées et aiguisées par ses soins.
Il entre dans sa chambre en faisant coulisser le shoji, rapidement, avant de faire de-même avec celui qui masque ses étagères.
Pendant un instant, la dernière question de Tim lui revient en mémoire, et, toujours perdu dans ses pensées, par réflexe, il s’écrie :

-Je prendrai comme toi!

Une couverture, donc.
Pour la première fois il se rend compte du point auquel il prête si peu d’attention à certains conforts. Il a l’impression de découvrir pour la première fois les linges en tout genre, les matériaux et affaires qui sont rangés. Pourtant, ceux-ci évoquent des souvenirs, des flash-back qui remontent, brutaux, explosant dans son cerveau avec des allures de grenades incapacitantes, l’éblouissant, lui brulant les rétines, faisant tanguer son monde. Fouiller ainsi lui rappelle le passé. Des parties de lui qu’il avait occultées. Des monceaux entiers de vies, des lambeaux de son âme dont il ne se souvenait plus. Qu’il avait littéralement rangés dans des boîtes, planqués sous des sacs, enfermés dans une armoire qu’il n’ouvrait jamais.
Il saisit une couverture épaisse et douce, de couleur crème. Une crème qui n’a pas encore été tachée de sang, moussée de pourpre. Une crème que nul vermeil ne vient recouvrir. Immaculée. Comme l’âme du petit Tim, que malgré tous les efforts du monde, personne n’a réussi à souiller.
Une sorte d’écume duveteuse qui vient laver les plages de ces marques qu’on leurs a infligées, de ces histoires que l’on a tracées sur leurs étendues friables. Qui vient recouvrir les empreintes de l’Homme, les traces des combats, les imperfections et les aspérités de leurs conséquences.
Qui vient border de son apaisement les galets lissés par les reflux de l’océan, les âmes polies et travaillées par la vie, jusqu’à les en imprégner pleinement, jusqu’à s’en faire, le temps d’un va-et-vient, leurs essences.
Il la palpe un instant et sourit pour lui-même. Il en apprécie le contact.
Le russe se rend compte de ce que réveille le jeune homme. De l’introspection d’abord psychologique, puis matérielle, et enfin physique, « sensuelle », qu’il l’amène à faire. Il se rend compte du danger qui se matérialise, au loin. Se sentiment d’humanisation. De vulnérabilité à venir.
Secouant la tête, Lyov tente de chasser ses pensées. Il a pris une décision, il s’y tiendra.
L’homme fait demi-tour après avoir soigneusement refermé les shojis. Il n’est pas encore prêt à laisser portes ouvertes à ses souvenirs et démons intérieurs.
Le couloir le séparant de la cuisine n’est pas très long, mais cette fois il prend tout son temps, ne cherchant pas à se presser, étrangement convaincu que le jeune homme sera toujours là, lorsqu’il franchira son seuil.
Et il l’est.
Lyov ne se rend même pas compte si Tim a bougé ou non, s’il a manipulé des boîtes ou pas, toujours perdu dans les réminiscences de ses sensations.

-Tiens.

Il lui tend, d’assez loin pour ne pas l’effrayer par sa proximité, la couverture qu’il lui a choisi.
Qu’il lui a choisi.
Pendant un instant, sa naïveté lui donne envie de se gifler. C’est juste une foutue couverture. Il ne lui a pas choisi un cadeau particulier et personnel.
C’est juste une couverture.
Mais au fond de lui, Lyov sait qu’il s’agit de plus que ça. Depuis combien de temps n’a-t-il pas eu à choisir quelque chose pour quelqu’un? Depuis combien de temps le confort d’un individu n’a-t-il dépendu, ne serait-ce que momentanément, de lui? Depuis combien de temps, simplement, ne s’est il pas demandé si ces propres choix pouvaient satisfaire un autre que sa conscience et lui-même?
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MessageSujet: Re: Is there anybody out there ? — Lyov   Is there anybody out there ? — Lyov EmptySam 27 Sep - 15:49

Au fond, ce qu’il y avait de plus horrible, c’était sans doute de savoir que Tim avait renoncé. Il n’y avait pas d’autre façon de le dire, après tout pourquoi chercher à maquiller la vérité ? Elle était dure, froide, insupportable et peu de gens parvenaient à la regarder en face, mais il en était ainsi. Il n’existait aucun moyen de rendre la tournure plus belle, plus esthétique, plus agréable pour quiconque voulait bien tendre l’oreille et essayer d’entendre ce qui grondait au plus profond des entrailles de Tim. Il n’y avait plus de colère. Ou peut-être même qu’il n’y en avait jamais eu. Ce n’était pas non plus la revanche qui le rongeait de l’intérieur, il était évident que Timothy ne deviendrait pas ce bourreau à son tour, qu’il n’aurait jamais de sang sur les mains alors que le monde le lui aurait sans doute pardonné s’il s’était emporté l’espace d’un instant. La planète entière l’aurait excusé avant de lui donner deux petites tapes sur l’épaule, appuyant un peu plus là où le poids devenait trop lourd, enfonçant le garçon dans sa misère. Mais Tim savait. Il savait mieux que quiconque qu’aucun crime ne pourrait jamais lui faire réussir à oublier, que la vengeance le consumerait plutôt qu'elle l’apaiserait, qu’il partirait en fumée à force de haïr quand il souhaitait simplement tenter d’exister sans avoir l’impression d’agoniser à chaque bouffée d’air supplémentaire. Alors au lieu de se relever, Tim avait posé un genou à terre et il s’était tourné vers les cieux en espérant obtenir une réponse. Ce n’était pas un appel à une divinité, non. Le jeune homme ne faisait pas partie de cette catégorie de personne. Il ne croyait en rien, surtout pas en lui-même. Il relevait la tête métaphoriquement seulement, comme pour s’adresser à son père, ou au père d’un autre, peu importait dans le fond. Pour parler à quelqu’un, lui confier les pensées qu’il ne pouvait plus garder pour lui, qu’il refusait de taire indéfiniment. Il les écrivait bien sûr, sur ses partitions, ses doigts courant doucement sur le clavier du piano tandis que ses larmes roulaient enfin sur ses joues maigres pour venir s’écraser sur ses lèvres sèches et tremblantes. La musique avait pansé quelques unes de ses blessures mais Timothy cogitait encore trop. Il avait tenté de s’en sortir. Oui, sans doute, cela avait du arriver. L’espace d’un instant. Un éclair de folie. Une seconde de lucidité. Une envie soudaine de faire partie du monde et ne pas être constamment obligé de le regarder tourner en espérant le rattraper un jour ou l’autre. Évidemment, ses espoirs fut vains et Tim se réfugia bien vite dans le noir de sa chambre, sa couette enroulé autour de son corps frêle, comme un sarcophage, ou peut-être un linceul. Qui pouvait vraiment savoir s’il venait de naitre ou de périr ? Il avait l’air si jeune, si tendre, si innocent, mais à la fois tellement détruit et abattu… Alors le pianiste avait fini par se faire une raison. Les choses étaient ainsi. Pour que d’autres aient une vie paisible et sans doute bien plus agréable et ensoleillée que la sienne, il fallait qu’il ait subit tout ceci. Il existait un autre homme quelque part, qui était venu au monde le même jour que lui et qui avait grandit aux côtés de ses parents, qui n’avait croisé la route d’aucun monstre, qui avait rencontré une jolie femme dont il était tombé éperdument amoureux et avec qui il allait bientôt avoir son premier enfant. Tim était né au mauvais endroit au mauvais moment, et il ne pouvait rien y faire. C’était ainsi. Point barre. Et le jeune homme aurait pu se mettre à crier, hurler que c’était injuste, qu’il n’avait jamais rien demandé, mais à quoi bon ? Qui l’entendrait ? Qui l’écouterait ? Qui serait près à retirer le fardeau qui faisait courber son dos sous la détresse ? Personne. Il le savait. Certes, les rares quidams à qui il finissait par adresser quelques mots étaient généralement surpris et ravis d’un tel effort de sa part, mais ils le prenaient aussi pour un demeuré ou un attardé, comme si le fait d’être muet pouvait avoir de telles conséquences sur ses capacités cérébrales. Et quand il avait enfin ouvert la bouche pour avouer, sa mère s’était empressée de lui faire comprendre qu’il devait arrêter de raconter des balivernes pour se rendre intéressant. Pour se rendre intéressant. Lui. Lui qui avait cherché à ne plus exister, à échapper aux regards déplacés de son oncle, à ses mains qui n’avaient aucunement le droit ni la permission de s’attarder ainsi sur son corps. Timothy ne recherchait pas l’attention des autres, il la fuyait, il la redoutait, il la craignait. Elle était sa pire ennemie. Après tout, si sa propre famille avait cherché à le détruire de la sorte, alors n’importe qui pouvait soudainement lui imposer une proximité qu’il ne recherchait pas…

Timothy s’était donc fait une raison. À quoi bon lutter contre quelque chose qui s’était produit des années en arrière ? Pourquoi geindre, se plaindre et faire part de sa tristesse ? Mais même s’il ne parlait pas, Tim ne mentait pas pour autant. Il ne passait pas son temps à faire semblant que tout allait pour le mieux, il ne riait pas à gorge déployée pour masquer ses larmes derrière une joie qui n’était pas la sienne. Il n’empruntait pas le bonheur à ceux qui en étaient véritablement dignes, il ne leur volait pas le plaisir d’être heureux. Il se contentait simplement de garder ses lèvres closes, scellées l'une contre l'autre, le plus silencieux des aveux, le plus assourdissant, l’odieux aveux, l’abominable vérité qui n’avait même plus besoin d’être transmise pour être ressentie. La tristesse et la honte s’échappaient de ses pores comme d’autres suintaient la méchanceté ou le mensonge. Il n’avait pas besoin de se dissimuler, de se cacher derrière quoi que ce soit. Son regard et son silence le trahissaient déjà suffisamment pour qu’il ait véritablement besoin de rentrer dans ce genre de jeu trop cliché du clown triste qui s’évertuait à faire en sorte que le monde entier remarque son nez rouge plutôt que la vulgaire larme qui coulait au coin de son visage pâle. De toute façon, Tim n’était pas assez fort pour se travestir, être un acteur du quotidien ou jouer la comédie. Il était trop franc pour cela. Ou trop détruit sans doute. Était-ce vraiment utile de le savoir avec précision ? Au final, il se contentait d’être muet comme une tombe en attendant que la mort vienne le chercher. Le musicien avait rapidement compris qu’il n’avait pas le choix, qu’il devrait apprendre à pardonner pour tenter de vivre avec, ou qu’il serait hanté à jamais par le souvenir infâme de ces nuits trop longues où cette masse de chair qu’il possédait depuis la naissance avait été souillée. On lui avait arraché son corps, on l’avait extirpé de sa propre carcasse et il devait maintenant faire avec, se contenter de cela. D’une carapace salie, tordue, froissée. D’une enveloppe charnelle qu’on avait déchiré avant de la lui rendre comme si ce n’était pas grave au final, comme si ces misérables murs de sang et de peaux pouvaient encore lui appartenir. Mais ce n’était plus les siens non, ni même encore ceux d’un autre. C’était un corps imposé. C’était comme ça, et pas autrement. Timothy avait tenté de pardonner, d’excuser la folie de l’homme, d’oublier la trahison, de reconnaitre que son bourreau n’était pas moins humain qu’un autre et qu’il avait fauté, qu'il avait commis une erreur, une simple erreur ; mais il n’y était pas parvenu. Il refusait d’admettre que cela puisse être normal. Alors il avait compris qu’il serait enfermé à tout jamais, croulant sous le poids de la culpabilité, de la honte et de la douleur. C’était ainsi, il n’avait pas le choix. Il ne l’avait jamais eu.

Sauf pour des plaisirs simples peut-être. Choisir une note plutôt qu’une autre. Un accord plus mélodieux. Trouver une mélodie à jouer parmi des centaines. Aller au cimetière ou rester à l’abris dans son appartement. Suivre Lyov ou lui demander de le ramener. Rentrer chez lui ou non. Choisir son thé. C’était dingue, c’était même surement complètement absurde, mais la moindre question lui redonnait le sourire. On lui laissait le choix. Ce n’était pas imposé, ce n’était pas catégorique et sans appel. On lui demandait ce qu’il voulait et ce dont il avait besoin. Des plaisirs simples, à la portée de tous. Les petites pépites du quotidien, des diamants dont Timothy ne pourrait certainement jamais se passer. Et le sourire sur le visage de Lyov ne pouvait alors que le réjouir à son tour, s’émerveillant devant le barman qui partait justement, sans doute pour aller chercher ce qu’il avait demandé quelques secondes auparavant. Tout du moins, il l’espérait. Son esprit semblait convaincu que l’autre homme ne lui voulait aucun mal mais le reste de son corps n’en était pas encore complètement persuadé et son coeur se mit à battre de plus belle. Pour tenter de contrôler la panique qui s’immisçait en lui, Timothy reporta toute son attention sur les sachets de thé, les examinant un par un de son regard expert de jeune Anglais accro au fameux breuvage. Il était encore en train d’hésiter quand Lyov fut de retour avec la couverture, la saisissant en appréciant la distance qui les séparait toujours et qui lui paraissait nécessaire, hochant la tête pour le remercier une fois de plus, un sourire léger s’agrippant à ses lèvres fines. Il passa la couverture autour de ses épaules fragiles, s’enroulant dans celle-ci, comme si le monde semblait soudainement moins effrayant et qu’une couche supplémentaire de tissu suffirait pour lui servir de bouclier en cas de nécessité. Timothy avait l’air d’un enfant, courbant ainsi les épaules pour mieux pouvoir se blottir au creux de l’épaisseur qu’il venait à peine d’enrouler autour de lui. Il avait pris soin néanmoins de pouvoir sortir ses mains rapidement, ne serait-ce que pour pouvoir écrire sur le petit bloc-notes qui se trouvait toujours devant lui, sur le comptoir. Une fois à l’aise, il fit glisser les sachets de thé vers Lyov, profitant du fait que celui-ci allait se mettre à préparer leur boisson pour agripper son stylo, et se remettre à gratter le papier.

Quelle heure est-il ? J’espère que tu n’avais rien de prévu et que je ne t’embête pas.
Ça fait longtemps que tu vis ici ? Ça te plait ?


Il releva la tête un instant, réalisant sans doute qu’il s’emballait à chaque fois qu’on lui donnait enfin l’opportunité de s’exprimer.

Désolé si je t’ennuies avec mes questions, tu n’es pas obligé d’y répondre.  
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